LE CENTRE D'ÉTUDES ARCTIQUES
Témoignages de fidèles du Centre d'Études Arctiques
Le Centre d'Études Arctiques, un carrefour braudelien,
de la géographie à l'histoire et la sociologie
Par Odile Laulhère,
Professeur de sociologie à l'université de Toulouse.
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La découverte du séminaire de Jean Malaurie a été
fortuite et je m'en émerveille toujours autant. Bien sûr je
connaissais ses travaux et nombre de mes étudiants ont lu et travaillé
sur les Derniers rois de Thulé. J'attendais, en novembre 2001, dans
un couloir de l'EHESS, 105 bd Raspail, 75006 Paris, un cours auquel j'étais
conviée, lorsque j'ai vu passer une silhouette qui m'était
familière - pour l'avoir vue dans des ouvrages - et que l'on n'oublie
plus. À quelqu'un qui entrait, j'ai demandé : n'est-ce pas
Jean Malaurie ? À l'invitation de cette personne, je suis rentrée.
C'est vraiment un hasard objectif, j'ai découvert ce lieu au moment
où il m'était nécessaire, cela je ne l'ai su qu'après.
C'est un endroit très singulier, fréquenté
par des gens de toutes disciplines, de toutes catégories :
chercheurs, savants, écrivains, médecins, hommes de
terrain et orphelins de l'Université comme lieu de véritable
réflexion et de dissidence, thésards qui y exposent
l'état de leurs travaux, avec l'écoute de Jean Malaurie
qui n'est pas de surface, mais réellement un mode d'être.
Le Centre d'Études Arctiques n'est pas un lieu de doux rêveurs
et si Braudel disait que la rationalité exige le feu croisé
de toutes les Sciences de l'homme et Einstein que l'imagination est
plus importante que la connaissance, c'est tout cela que l'on trouve
au séminaire de Jean Malaurie. Ce séminaire est un lieu
décentré où j'ai vu s'établir de vrais
contacts intra et inter disciplinaires. Je n'ai pas connu de lieu
semblable ailleurs. L'objet du séminaire portait sur : l'approche
de l'autre, la vérité en ethnologie.
Chacun y exprimait son mode de faire dans son langage d'origine qu'il
soit ethnologique, juridique, médical, avec une grande liberté.
J'ai réalisé, après combien de côtoiement
des pratiques, ces points de tangence ou ces points de vue différents
sur des objets identiques permettent de mettre à jour pour
chacun d'entre nous des aspects voilés d'une réalité,
apportent de nouveaux indices qui enrichissent nos connaissances,
renouvellent notre vision des choses et nous permettent d'échapper
à l'objet pré-construit de nos propres disciplines.
Marc Augé dit " que faute de penser l'autre on construit
l'étranger ".
Ici au Centre d'Études Arctiques on côtoie l'autre, on
peut le penser avec la bonne distance, celle dont parlent les Mandans
d'Amérique du Nord citée par Lévi-Strauss : "
n'allez pas trop loin, car les peuples qui vivent éloignés
sont comme des étrangers et la guerre peut éclater entre
eux. Voyagez vers le nord jusqu'à ce que vous ne puissiez pas
voir la fumée de nos maisons et là bâtissez votre
village, ainsi nous serons assez près pour être amis
et pas assez loin pour être ennemis. "
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Fernand Braudel et Odile Laulhère (organisatrice
du colloque Cultures méditerranéennes) dans lamphithéâtre
du Sénéchal où Jean Jaurès donnait ses
cours de morale - novembre 1985
© Ateliers Jean Jaurès |
Le Centre d'Études Arctiques est un pays habité de
nomades. J'y aime ce temps de silence, avant les interventions, temps
de silence où se fait le vide dont Simone Weil disait " il faut faire
le vide en soi pour laisser y pénétrer la vérité nue ". C'est peut-être
le secret de ce bien-être que l'on éprouve ici, même si nos repères
y sont parfois bousculés.
Il y a aussi ce rituel du thé instauré par Jean Malaurie après le
séminaire. Ce Thé est un point de ralliement, de retrouvailles où
se continuent les échanges de manière plus informelle.
Le Centre d'Études Arctiques est un mouvement, un engagement de contamination
salutaire. René Thom disait que " les seuls projets scientifiques
importants ne sont pas des accroissements de connaissance mais l'acquisition
par l'homme de nouvelles structures mentales ". C'est ce qui s'élabore
au Centre d'Études Arctiques : de nouvelles structures mentales, grâce
à l'entêtement bienveillant de Jean Malaurie qui sait qu'un battement
d'aile de papillon peut provoquer un séisme. |
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Fernand Braudel et Odile Laulhère (organisatrice
du colloque Cultures méditerranéennes) dans lamphithéâtre
du Sénéchal où Jean Jaurès donnait ses
cours de morale - novembre 1985
© Ateliers Jean Jaurès |
Odile Laulhère
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