Le professeur Jean Malaurie



« Jean Malaurie, que je rencontrai entre deux de ses fameuses expéditions polaires, auréolé encore de la lumière de Thulé. Plus encore que ses exploits et la multiplicité de ses connaissances, me surprenait son extrême liberté d'esprit. ce grand géographe est aussi un penseur. », p. 375 ;
photo : © John Foley/ Opale, 1999.

Anthropogéographe et écrivain français. Né à Mayence, le 22 décembre 1922. Directeur d'études arctiques à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (Paris) et Directeur de recherche émérite au CNRS (Paris). Ses travaux se réclament de la triple tradition d'Emmanuel de Martonne et de Fernand Braudel, qui ont été ses deux maîtres, l'un géographe, l'autre historien, et de Gaston Bachelard, qui s'est interrogé sur le pouvoir de l'imaginaire avec les forces de la nature.

Géomorphologue de formation (Thèmes de recherche géomorphologique dans le Nord-Ouest du Groenland, CNRS, 1968). Il analyse, dans le Nord du Groenland, l'Arctique central canadien, les îles du Détroit de Béring, les côtes alaskiennes et en Tchoukotka, les rapports dialectiques de l'homme avec la nature (Hummocks I et II, 1999) selon une méthode anthropogéographique spécifique (l'homme naturé, la nature naturante), dans la tradition de Lamarck et de cette fascinante histoire de l'évolution.

Mais il s'attache aussi chez les Inuit, dont il a partagé intimement la vie jusque dans des iglous de neige, au dynamisme social qui, ethno-historiquement, a sans cesse restructuré ces groupes inspirés sensoriellement des écosystèmes physiques (Ultima Thulé, De la découverte à l'invasion, 2000, et L'Appel du Nord. Une ethno-photographie des Inuit du Groenland à la Sibérie. 1950-2000. 2001). Il s'interroge sur la vision verticale de ces peuples selon un chamanisme qui est un panthéisme finaliste qui adhère à une intelligence de l'ordre des choses.

Ivoires gravés et tupilak. Collection Jean Malaurie. ( cliquer pour agrandir les photos )

Toute la carrière de Jean Malaurie a été consacrée à l'étude des populations Inuit au cours de 31 missions solitaires, du Groenland à la Sibérie ( Voir la carte des 31 missions - 92 ko).

S'immergeant au sein des sociétés archaïques de chasseurs d'ours, de caribous, de morses et de baleines, le naturaliste dont l'itinéraire s'inscrit de la pierre à l'homme, les a étudiées selon une méthode anthropogéographique qu'il a enseigné au CNRS et à l'EHESS où il dirige le Centre d'Études Arctiques. Ses recherches portent actuellement sur les sociétés baleinières du détroit de Béring. L'anthropogéographie vise à replacer l'histoire de ces peuples, dans son temps long, une relation complexe avec un environnement cruel qu'ils perçoivent sensoriellement grâce à une acuité hypersensorilisée dont l'homme occidental ne dispose plus. S'immergeant au sein des sociétés archaïques de chasseurs d'ours, de caribous, de morses et de baleines, le naturaliste dont l'itinéraire s'inscrit de la pierre à l'homme, les a étudiées selon une méthode anthropogéographique qu'il a enseigné au CNRS et à l'EHESS où il dirige le Centre d'Études Arctiques. L'anthropogéographie vise à replacer l'histoire de ces peuples, dans son temps long, une relation complexe avec un environnement cruel qu'ils perçoivent sensoriellement grâce à une acuité hypersensorilisée dont l'homme occidental ne dispose plus. Jean Malaurie a établi combien ces populations, techniquement archaïques, ont su planifier leur démographie et leur microéconomie d'autosubsistance. L'extraordinaire Allée des Baleines (Mille et Une Nuits, 2003), qu'il a récemment étudiée, en Tchoukotka sibérienne, en est l'illustration. Particulièrement connu pour ses travaux sur le peuple de Thulé qu'il a, dans un livre célèbre : Les Derniers Rois de Thulé (illustration), traduit en 23 langues, le plus diffusé au monde sur le peuple inuit, puis plus récemment Ultima Thulé (Le Chêne, Paris, 1999, Gyldendal Copenhague 2002, avec une préface du Prince Henrik du Danemark, Norton New-York/London 2003, Bucher Munchen 2004), défendu contre une puissante base militaire américaine implantée sur son territoire. Jean Malaurie est titulaire de la première chaire de géographie polaire créée à son intention dans l'université française par le grand historien Fernand Braudel.

Allée des Baleines (Tchoukotka sibérienne). Ile Yttygran. Jean Malaurie auprès d'une des mâchoires inférieures ; en arrière plan, les crânes de la baleine franche disposés selon un ordre sacré. © Cliché Jean Malaurie.

© Jean Malaurie. Carte généalogique Cliquer pour l'agrandir

Il est le premier Français et le deuxième homme au monde à avoir atteint le Pôle géomagnétique Nord. Il a levé la carte au 1 : 100 000, de 300 kilomètres de côtes et d'hinterland au nord du Groenland et, tout en réhabilitant la toponymie inuit ancestrale, il a donné onze noms nouveaux à des hauts lieux de ces déserts dont un grand fjord, celui de Paris. Lors d'une de ses missions, en 1950-1951, Jean Malaurie a dressé la première carte généalogique de la population des 302 Esquimaux Polaires, ou Inughuit. L'étude des structures parentales de cet isolat a été établi en collaboration avec le généticien Jean Sutter et le démographe Léon Tabah, qui ont mis en lumière une planification tendancielle, excluant les unions en dessous du cinquième degré de parenté afin d'éviter une consanguinité excessive (Réf : Population n°4, Paris, 1952 et Population n°3, Paris, 1956, Institut national d'Études démographiques).

" J'ai construit ce cairn en Terre d'Ellesmere, fjord Alexandra, le 3 juin 1951. Selon la tradition polaire, des messages sont laissés sur ses cairns, situés en des points bien visibles. La boîte métallique où est enfermé, dans un sachet métallique, un message avec mon itinéraire passé, à venir et l'état du groupe. J'en rédige la version anglaise, et mes compagnons donnent la position en esquimau afin de guider une mission de secours au cas où nous ne serions pas de retour à l'automne. En effet, selon les Inuit eux-mêmes, mon expédition en Terre d'Inglefield, de Washington et d'Ellesmere était très aventureuse. Personne n'avait oublié le drame de la missionallemande du géologue H.K.E. Krüger, qui, venue de Neqi, près de Siorapaluk, s'était perdu corps et bien, en 1933, quelque part sur la Terre d'Ellesmere. Ce cairn de la Terre d'Alexandra sera retrouvé par Peter Schledermann en 1977 ; il prendra connaissance du message qu'il contenait. Le 19 août 1995, fjord Alexandra, je retrouve le cairn ; je suis à bord du brise-glace russe Kapitan Khlebnikov, en compagnie de Peter Schledermann et de ma fille Ikuma (la petite flamme) et explore le fjord en hélicoptère. Je laisse un nouveau message dans une bouteille. " (Voir la carte des missions printemps et hiver 1951 - 170 ko)

Photographie prise le 19 août 1995. © Jean Malaurie.

Jean Malaurie et les étudiants/chercheurs ont conduit, au Centre d'Études Arctiques qu'il a fondé à l'EHESS et au CNRS en 1957, une sévère critique des politiques coloniales arctiques et participé à l'émergence de l'autonomie de ces peuples (Les Derniers Rois de Thulé. Avec les Esquimaux polaires face à leur destin, 5ème édition, 1989, traduit en 26 langues et livre fondateur de la collection Terre Humaine), soutenant tous les mouvements d'autonomie inuit. Il a été successivement conseiller des quatre gouvernements responsables des peuples inuit et depuis 1990 - à l'initiative des Présidents Mikhaïl Gorbatchev, puis Boris Eltsine et Vladimir Poutine - il a été nommé par les autorités russes Président d'honneur de l'Académie Polaire d'État, qui compte mille élèves, forme, sous le patronage de l'ENA, les cadres supérieurs de la Sibérie de demain. En 1957, il a été nommé à titre personnel par le grand historien Fernand Braudel, titulaire de la première chaire de géographie polaire de l'histoire de l'université française où il continue à enseigner (EHESS, Paris). Il a fondé en 1954, aux éditions Plon, la célèbre collection Terre Humaine qui, avec ses 85 titres, fait œuvre d'anthropologie réflexive et de littérature du réel. C'est, depuis 50 ans, un nouveau et autre regard sur les sciences de l'homme. Illustrée, par des vies d'hommes de caractère, elle témoigne, par des plongées successives, à la diversité et la richesse culturelle de la condition humaine.       © Photographie de Philippe Lemonnier - Salon du livre 2001

		A ses activités s'ajoutent depuis 1994 la tutelle de l'Académie Polaire d'Etat de Saint-Pétersbourg et depuis 2002 la publication de la collection Polaires aux éditions Economica (Paris), où est projetée la parution des cinquante grands classiques de la recherche et de l'histoire arctique et antarctique.
Uelen, Jean Malaurie et l'Esquimau qu'il aurait voulu adopter. Août 1990, Première Expédition franco-soviétique. © Jean Malaurie
© Jean Malaurie		Enfin, une autre activité passionne Jean Malaurie, et elle est une des moins connue : la réalisation de pastels, auxquels il s'adonne principalement dans le grand Nord.   Pastels réalisés par Jean Malaurie   © Jean Malaurie
L'œuvre de Jean Malaurie sur les peuples du Nord - notamment, parmi les derniers titres parus - Hummocks, Ultima Thulé et L'Appel du Nord - nous fait découvrir un grand écrivain romantique, un cinéaste inspirés. Sans nul doute, Jean Malaurie est une des figures de proue de la recherche et de l'histoire polaire française. Docteur d'État es Lettres de l'Université de Paris, 1962

Jean Malaurie a reçu de nombreuses distinctions françaises et étrangères (Belgique 1955, Russie 1991, Uruguay 1995, Italie 1998, Canada 2000). De toutes ces distinctions étrangères, les deux auxquelles Jean Malaurie est le plus attaché sont : 1/ L'Ordre ou Club de l'Ours Blanc qui lui a été décerné à Paris par le Premier Ministre du Groenland, Jonathan Motzfelt, en 1999. 2/ Élection unanime comme " sage du Nord " par la Faculté des peuples du Nord, étudiants et enseignants de l'université d'Etat Hertzen, Saint-Pétersbourg, 1992.

Médaille d'or de la Société Arctique Française, 1990. Médaille du CNRS, 1992. Grande médaille d'or de la Société de Géographie, 1996. Grand Prix de la Ville de Paris pour l'ensemble de son œuvre, 1999. Grand Prix Jules Verne 2000 pour son ouvrage Hummocks.

Jean Malaurie dans l'Arctique central canadien, dans un poste de la police montée de Spence. Il annote son carnet d'ethnographie. Septembre 1962 - © Jean Malaurie

Le Professeur Jean Malaurie est : Directeur d'études à l'EHESS, depuis 1957. Directeur de recherche émérite au CNRS, depuis 1992. Directeur-fondateur du Centre d'Études Arctiques (EHESS), depuis 1957. Directeur-fondateur de la collection Terre Humaine (Editions Plon), depuis 1954. Doctorat Honoris Causa, Université d'État de Saint-Pétersbourg, juillet 2001. Officier de la Légion d'Honneur, 1998. Commandeur de l'Ordre du Mérite, 2002. Commandeur des Arts et Lettres, 2000. Citoyen d'honneur de la ville polaire de Fermo (Italie), siège de l'Istituto Geografico Polare et du Musée Polaire Italien, 1998.