LE CENTRE D'ÉTUDES ARCTIQUES
Témoignages de fidèles du Centre d'Études Arctiques
Pour une terre plus humaine
Par Jacques Brosse
Grand Prix de littérature de l'Académie française
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La lecture attentive dans " Terre Humaine "
de la multiplicité des témoignages venus de la planète
entière m'a très tôt encouragé à
devenir témoin à mon tour, en parcourant le monde, d'abord
en naturaliste, puis en observateur de l'humain, allant à la
rencontre de l'autre, en vue de le comprendre en sa diversité.
Ce périple m'a conduit à partager la vie de sociétés
considérées comme " archaïques ", telles
les Ladakhis de l'Himalaya, les Yaguas de la forêt amazonienne,
qui m'ont initié au chamanisme, les Mayas des Hautes Terres
du Guatemala, enfin les Haïdas de l'archipel de la Reine Charlotte
au large de la Colombie britannique, qui ont, eux, réussi à
préserver leur culture et à faire reconnaître
leur autonomie. |
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Jacques Brosse |
Tous ces peuples sont menacés dans leur existence
même par cette forme insidieuse du néo-colonialisme économique
qui ose s'intituler " mondialisation " et dont le but avoué
est de laminer toutes les différences, par tous les moyens,
y compris le génocide, afin de faire de tous des consommateurs,
adeptes de l'" american way of life ", conçue comme
l'idéal unique et universel d'un futur paradis terrestre.
De ces peuples que l'on veut asservir ou détruire, j'avais
appris que l'on peut fort bien vivre de la nature et en elle, sans
la détruire et même sans en perturber l'équilibre
et le fonctionnement. Ces principes d'une vie saine et respectueuse
de l'environnement, nous les avons mis en application depuis plus
de quarante ans ma femme, Simone Jacquemard et moi, en créant
des réserves naturelles où sont secourues les espèces
animales et végétales en péril. Adopter un autre
mode de vie implique de changer aussi de mentalité, ce à
quoi m'invitaient mes contacts avec les civilisations de l'Inde, de
la Chine et du Japon. De ces traditions, j'avais retenu la nécessité
vitale de la méditation qui, clarifiant la vision, permet de
porter sur le conformisme ambiant un regard neuf et critique.
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Entretien avec un élève (Moulin de Vaux, Sarthe, 1992) |
Alors se dégonflent les baudruches que l'on
veut nous faire prendre pour la réalité. Qui aujourd'hui
peut encore croire aux prétendus " miracles " d'une
médecine qui nous fait espérer l'immortalité
?
Comment peut-on se laisser prendre au piège d'une croissance
illimitée qui dévaste les milieux vitaux et les éléments
eux-mêmes, le sol, l'eau et l'air et ne peut aboutir qu'à
la mort de la planète et auparavant à celle de l'humanité
?
Qu'est-ce que ce progrès qui se manifeste principalement par
l'invention d'armes de plus en plus meurtrières, de gadgets
aussitôt périmés et par l'accumulation de détritus
industriels et polluants ?
Plutôt que se laisser submerger par un harcèlement médiatique
qui ne nous apprend que ce dont on veut nous persuader et, par sa
pléthore, conduit à la désinformation qui neutralise
l'opinion publique, but final de l'opération, ne convient-il
pas aujourd'hui de réagir, en retrouvant notre bon sens obstrué
et en ne consultant que des ouvrages dignes de confiance ? |
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Sesshin zen au centre tibétain Dhagpo Kagyu
Ling (Dordogne) ; de gauche à droite : Jacques, Julia, Olivier
et Claude (Pâques, 1999). |
La connaissance directe de l'état réel de la planète
amène nécessairement à démonter le système
pervers qui nous manipule, nous asservit et nous anesthésie. Tel
est, depuis cinquante ans, la mission de " Terre Humaine ". C'est
aussi ce que j'ai essayé d'exprimer dans mes livres, en particulier
dans ce témoignage qu'est le dernier d'entre eux, Retour à
l'origine. Itinéraire d'un naturaliste zen ¹, qu'a accueilli
Jean Malaurie dans " Terre Humaine ", et qui lui est fraternellement
dédié.
Jacques Brosse
¹ Jacques Brosse. Retour à l'origine.
Itinéraire d'un naturaliste zen. Courants de pensées 5. Terre
Humaine, Plon, Paris 2003.
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de fidèles du Centre d'Études Arctiques
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