LE CENTRE D'ÉTUDES ARCTIQUES
Témoignages de fidèles du Centre d'Études Arctiques
Traduire Malaurie
Le livre " Les Derniers Rois de Thulé ", traduit en danois
en 1979, a eu un écho considérable dans la presse danoise
ainsi que dans l'opinion publique. Les Danois connaissaient déjà
Thulé à travers l'oeuvre d'une dizaine de Danois, dont Knud
Rasmussen et Peter Freuchen. Mais pendant longtemps, les livres qui traitaient
du Groenland du Nord étaient soit des travaux scientifiques, rébarbatifs
pour le grand public, soit des récits de voyage, intéressants
peut-être mais peu instructifs du point de vue tant politique qu'ethnographique
ou moral. " Les Dernier Rois de Thulé " montrait qu'il
était possible d'envisager ces différents aspects dans un
seul et même texte.
Quand l'occasion s'est présentée de traduire " Ultima
Thulé ", l'autre ouvrage que Jean Malaurie, à la fois
homme de sciences et écrivain hors pair, consacrait aux Inughuit
- les Esquimaux polaires - et à leur longue et dramatique histoire
, j'ai donc accepté sans hésitation.
C'était aussi pour des raisons personnelles, les relations culturelles
entre nos deux pays m'ayant toujours intéressé. Intérêt
renforcé par une année d'étude d'histoire des sciences
à la Sorbonne, après mon agrégation de mathématiques,
et par mon mariage avec une Parisienne.
Au cours de mon service militaire dans la marine danoise, au bureau
de liaison de la base aérienne et très américaine
de Thulé, j'ai été journellement confronté
aux problèmes qui sont traités à fond dans "
Ultima Thulé ".
Le fait que je sois aussi écrivain moi-même, auteur de
plusieurs romans et recueils de nouvelles, m'a certainement beaucoup
aidé. Et si j'ajoute que j'ai connu deux des amis inughuit
de Jean Malaurie - et même chassé avec l'un d'eux - on
comprendra que je n'aie pas pu refuser ce travail. Mais l'auteur d'"
Ultima Thulé " n'est pas n'importe qui. Comment rendre
la vivacité, la richesse de sa prose en danois ? Knud Rasmussen,
qui est le héros arctique de Jean Malaurie, scientifique et
écrivain comme lui, s'exprime dans une langue dramatique, élégante
et imagée, mais son style est très personnel. Il faut
également se rappeler que son premier ouvrage, " Nye Mennesker
", date de 1910. Impossible de copier son style ni même
d'utiliser son vocabulaire.
D'autres traductions que j'ai consultées ont souvent été
faites par des traducteurs qui ont trop économisé leur
sueur et leur sang, ou qui n'ont par connu l'Arctique et ses sévères
conditions de vie. La traduction ne demande pas seulement la maîtrise
de sa propre langue et la patiente étude de divers ouvrages
spécialisés, elle exige un engagement total que seule
une véritable sympathie pour l'auteur et ses idées rend
possible.
Au plaisir d'avoir fait la connaissance de Jean Malaurie et d'avoir
traduit " Ultima Thulé " s'ajoute naturellement la
grande satisfaction de constater le succès commercial d'un
livre dont la portée morale n'a pas échappé au
public danois. |
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Poul Andersen, traducteur d'Ultima Thulé, en
plein travail. © Poul Andersen |
Poul O. Andersen |