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LA NOUVELLE DECOUVERTE DE L'ANTARCTIQUE

Alan Hemmings et Ricardo Roura

Décembre 2004



I. Introduction : Les activités commerciales sur l'Antarctique

" L'Antarctique " englobe le continent, les îles de l'océan Austral qui entour le continent au sud de la convergence antarctique (ou front polaire), limite qui résulte de la rencontre entre les eaux froides de l'océan Austral et les eaux moins froides du nord se trouvant entre 60 et 45° sud.

Politiquement l'Antarctique comprend la " zone du Traité " où le Traité en Antarctique est en vigueur, à savoir, la région située au sud du 60° de latitude sud, et la zone de la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique (Communément connue en anglais par ses initiales, CCAMLR (que l'on prononce "kammelar"), lesquels sont les éléments les plus importants de ce que l'on appelle le Système du traité sur l'Antarctique.

 

La région antarctique est un territoire gigantesque, qui représente environs 10% de la surface de la planète - plus de 30 millions km2. On observe la nouvelle découverte de ce territoire, avec des niveaux d'activité humaine sans précédent - des chercheurs, des touristes, des aventuriers, des pêcheurs, visitant ce territoire. Quelques-uns de ces nouveaux explorateurs représentent à eux seuls des intérêts commerciaux internationaux, pénétrant dans cette région et influençant le système politique qui'y gouverne.

Certes, les activités commerciales en Antarctique sont anciennes et la venue des premiers explorateurs y est liée. Le commerce a stimulé l'exploration de l'Antarctique et dans certains cas la recherche scientifique. L'exploitation commerciale des phoques et des baleines a été l'un des moteurs de cette exploration. Cette exploitation n'a été que côtière, et - sauf la capture " scientifique " de baleines qui continue - c'est finie dans les années 80. La pêche - au début de krill (Euphasia superba) et de poissons connus comme le colin austral (Notothenia spp.) - s'est développée depuis les années 70. Le tourisme, commencé à fin des années 50, est resté intermittent et d'intensité très basse durant trente années.

En bref, l'intérêt commercial pour l'Antarctique et les activités commerciales sur la région n'est pas récente, mais au cours de ces vingt dernières années les intérêts ont changé. Le changement est lié à la manière pour lesquels ces activités se développent ainsi que leurs caractéristiques : Leur diversité, dispersion géographique, et rythme de croissance, etc. L'Antarctique devient une zone économique à part entière et les intérêts commerciaux font naître des hobing, influençant sur la politique de l'Antarctique , et donc sur les priorités politiques du Système du traité sur l'Antarctique, pour satisfaire leurs objectifs.

II. Que s'est il passé ?

Au cours des deux dernières décennies s 'ont produit des changements accélérés:

- Le développement de la technologie a réduit l'éloignement du continent austral ainsi que sa rudesse climatique ; les océans de l'hémisphère austral - incluant l'Océan Austral - sont de plus en plus exploités. Par conséquent, le " fossé " entre l'Antarctique et le monde du commerce a presque disparu ;
- La Guerre Froide est finie. Les règles informels dictées par les deux blocs sur la base d'arrangements politiques en Antarctique ont changé ou disparu.
- Au niveau mondial, l'économie mondialiste, " forces " du marché, a remplacé quelques-uns des arrangements traditionnels. Ces " arrangements de marché " se sont aussi propagés sur la région Antarctique.
- Le régime légal international est beaucoup plus complexe qu'avant. L'Antarctique relève de nouvelles Conventions Globales, comme la Convention des Nations Unies sur la Loi de la Mer (UNCLOS) et la Convention sur la diversité biologique (CBD). Le Système du Traité en Antarctique s'est élargi, comprenant actuellement quatre traités différents, s'embriquant partiellement.
- Les actions unilatérales de " la seule super puissance " - les Etats Unis - et les arrangements bilatéraux subsidiaires ont réduit l'influence des accords qui étaient multilatéraux pour la conduites des affaires internationales.

En bref, la propagation du capitalisme et de la modernité - la définition de la mondialisation - est en se répand aux côtes les plus lointaines de l'hémisphère austral. Bien que les caractéristiques de la région et que son système gouvernemental servent de " tampon " et permette quelques résistances aux changements, la mondialisation y arrive.

III. Les intérêts commerciaux actuels

Actuellement les intérêts commerciaux pour l'Antarctique sont la pêche, le tourisme, la prospection des ressources biologiques (à savoir, la recherche de matériel génétique avec de valeur commerciale), et l'appuie logistique et de services à ces industries (et de plus en plus, aux programmes antarctiques nationaux par des compagnies privées). Les activités relatives à l'exploitation des ressources minérales, autre que la recherche scientifique, sont interdites par le Protocole au Traité sur l'Antarctique relatif à la protection de l'environnement (Madrid, 1991).

D'autres intérêts commerciaux pourraient apparaître, prenant en compte d'autres facteurs stratégiques antarctiques ou globaux - la situation géopolitique internationale, la demande mondiale de ressources, les questions de la sécurité, etc. Par exemple, l'utilisation des icebergs détachés du continent pour des besoins en eau douce a déjà été discutée aux RCTA. Cette industrie n'a pas été encore développée, mais cela porrait être possible si l'on considère que la demande mondiale en eau douce grossissait. Cependant, nous ne parlerons ci-dessous que des activités commerciales actuellement présentes en Antarctique.

A. La pêche

La pêche sur l'océan Austral est réglée par la Convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR). La CCAMLR est entrée en vigueur en 1982, dans le cadre du Système du traité sur l'Antarctique en vertu de l'Article IX du Traité.

La CCAMLR, soi-disant, a une " perspective d'écosystème ", a savoir, elle considère l'écosystème entier au lieu des espèces visées à elles seules. Selon la définition de la CCAMLR :

 
Légine

" La Commission a mis en place une approche de précaution dans le but de réduire les risques associés aux pratiques non durables dans des conditions d'incertitude. Pour être efficace, cette approche doit être complétée par l'étude des liens écologiques des espèces et de la variabilité "naturelle" par contraste avec celle produite par l'homme - "l'approche de la conservation tenant compte de l'écosystème". Par ailleurs, les mesures de conservation adoptées par la CCAMLR sont fondées sur les avis scientifiques, et il est nécessaire de les faire respecter. "

Malgré ces bonnes intentions :
- La CCAMLR a été établie principalement pour régler la pêche du krill - surtout par des bateaux soviétiques - mais la "première génération " de ces pêcheries (initiée en 1972-73, et en ayant connu sont apogée en 1981-82 - 528,201 tonnes ) s'est effondrée avec la chute de économique de l'Union soviétique. Par conséquent, il difficile de juger de l'efficacité de la CCAMLR pour la protection du krill dans les années 80 - aujourd'hui une seconde génération de pêcherie voit le jour et se développe très rapidement.

- La CCAMLR n'a pas pu éviter la pêche du colin (Notothenia spp.) ;
- Actuellement, il y a beaucoup des problèmes avec la pêche de la légine (Dissostichus spp.), a savoir :
o La capture autorisée est en train de s'accroître ;
o Il y a de nombreux problèmes avec la pêche connue comme " illégale, non réglementée et non déclarée " (ou " pêche IUU " ) ;
o La mortalité accidentelle des oiseaux et poissons, au moins au début de ces activités, a été très grande et destructive ;
o Même quelques membres de la CCAMLR ignorent quelques mesures de conservation adoptées par la CCAMLR.

La pêche a déjà pénétré les eaux les plus australes du monde. Dans la Mer de Ross il y a des activités de pêche au sud des 70 degrés de latitude sud. La pêche y a commencé en 1996-97 avec un bateau de la Nouvelle Zélande ; en 2003-04, 25 bateaux d'une douzaine de pays différents ont été autorisés à y pêcher 3.760 tonnes de Dissostichus.

En résumé, le tourisme est en train de se développer rapidement - 20.6% chaque année cette dernière décennie. En 2003-04 plus de 24.000 touristes ont voyagé à l'Antarctique ou plus de 44.000 personnes en comptant le personnel associé au tourisme et aux équipages des bateaux Voir les statistiques de l'industrie touristique pour la dernière déccennie (inclusif 2003-04) à http://www.iaato.org.). Quelques-uns des lieux, principalement sur la Péninsule Antarctique, sont maintenant des destinations touristiques populaires où le tourisme de masses a déjà été établi. Parallèlement il y a une recherche continue de nouvelles destinations, de nouvelles activités, et de nouvelles manières plus rapides ou économiques d'arriver en Antarctique comme par bateaux de grande capacité (quelques centaines ou plus de mille passagers) ou des opérations " aéroportées touristiques " " fly-sail ", où touristes arrivent par avion et s'embarquent par la suite sur un bateau.  

B. Le tourisme

Le tourisme en Antarctique n'est réglé que de manière générique par le Protocole et par des législations nationales des états membres du Traité sur l'Antarctique. Des discussions détaillées sur la régulation du tourisme ont commencé en 2004.

>>> Voir le dossier sur le tourisme

C. La prospection des ressources biologiques

La prospection des ressources biologiques se fait sur la base de la recherche dans les systèmes naturels des nouvelles propriétés génétiques ou moléculaires, pouvant s'utiliser comme applications industrielles et commerciales. L'Antarctique est un des " hot spots " des ressources biologiques, et des chercheurs et des programmes nationaux sont intéressés par les possibilités commerciales de cette nouvelle activité, alors que le problème du tourisme - n'est pas encore réglée de manière spécifique .L'activité a des impacts possibles sur l'environnement (par exemple, relatifs á l'appuie logistique) mais, aussi se pose beaucoup d'autres questions, étiques, politiques … :

- Questions concernant la coopération entre les pays du traité en Antarctique et la transparence de la gestion;
- Questions de juridiction entre différents traités du système du traité en Antarctique (le traité même, la CCAMLR, etc.) ; et entre le système du traité en Antarctique et les conventions mondiales comme UNCLOS et la CBD.
- Questions sur la souveraineté territoriale de l'Antarctique ;
- Questions de l'appropriation par des pays plus développés de biens communs mondiaux comme matériel génétique - le développement d'un nouveau colonialisme scientifique et technocratique.

La question de la prospection des ressources biologiques se matérialise notamment sur un des projets actuel les plus controversés en Antarctique - la recherche et l'exploration du lac Vostok. Le lac Vostok se trouve à plus de 3.000m sous la glace et est le plus grand des 68 lacs sous-glaciaires de l'Antarctique. Long de 224 km, large de 48 km, et d'une profondeur de plus de 500m, il est aussi grand que le lac Ontario, et est l'un des dix lacs les plus profonds sur Terre. Les eaux du lac n'ont jamais été explorées ; on pense que le lac a été isolé de l'atmosphère durant plus de vingt millions d'années.

Des conditions extrêmes d'obscurité, de température, de pression, de pauvreté en oxygène et en éléments nutritifs règnent sur le lac. Ce sont aussi conditions idéales pour chercher des " extremophiles ", des micro-organismes qui vivent en conditions très extrêmes où d'autres organismes ne pourraient pas survivre. Dans d'autres régions, quelques-uns de ces micro-organismes sont connus depuis plus de 40 ans, mais la cherche s'est intensifiée récemment - les qualités qui permettent à ces organismes de survivre sous ces conditions extrêmes - ce que quelques-uns appellent leur " kit de survie " - sont évidemment intéressant du point de vue scientifique, et peuvent potentiellement s'utiliser pour des applications industrielles ou commerciales.

Actuellement il y a une véritable " course " pour devenir le premier à pénétrer à travers la couche de glace et atteindre le lac, course que quelques-uns ont comparé avec la course au Pole sud d'Amundsen et Scott. À la fin des années 1950, les Russes y ont établi une station de recherche sur le lac Vostok sans soupçonner la présence du lac, et ils sont actuellement les plus avancés sur cette " course ". Le forage russe dans la glace, commencé il y-a plus de dix ans pour faire des études de paléoclimatologie, n'est à qu'environ 130 mètres au-dessous la surface du lac, et les autorités russes - ayant complété toutes les formalités d'évaluation sur l'impact de l'environnement selon le Protocole de Madrid - prévoient de l'atteindre avant deux ans.

Néanmoins, la technologie exclusive russe conventionnelle utilisée pour faire le forage risque en pénétrant dans le lac de le contaminer. La communauté internationale (incluant le Comité scientifique pour la recherche en Antarctique et le Comité pour la protection de l'environnement) s'inquiète sur le projet russe. En conclusion sur le lac Vostok il y a des questions de prestige international et d'intérêt scientifique habituels aux affaires antarctiques, mais aussi, très probablement, des intérêts économiques potentiels.

Voir le rapport final du groupe de contact intersessions sur le projet d'évaluation globale d'impact sur l'environnement présenté parla Fédération de Russie

D. Les activités liées aux ressources minérales

L'on peut penser que l'intérêt d'exploiter des ressources minérales en Antarctique a été réduit avec l'abandon de la Convention sur l'exploitation des ressources minérales de l'Antarctique et l'interdiction des activités relatives aux ressources minérales, sauf pour la recherche scientifique, adopté au Protocole de Madrid en 1991. Cependant, il reste la question sur les limites géographiques de l'application du Protocole, ainsi que l'application de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer question aux activités d'exploitation des ressources minérales . Par exemple, l'Australie a déjà annoncé qu'elle appliquera ces droits en tant qu'état côtier sur la plate-forme continentale au-delà de la limite des 200 miles nautiques. Cette décision est applicable par rapport à l'Article 76 de UNCLOS, et donnerait à l'Australie de nouveaux droits sur la plate-forme continentale et permettrait d'étendre la zone géographique de l'Australie au territoire antarctique sur lequel l'Australie affirme sa souveraineté territoriale.

Depuis dix ans et demi des nouvelles technologies pour les forages en eaux profondes ont été développées. Maintenant l'extraction de pétrole est possible à 2.000 mètres ou plus de profondeur, et beaucoup des nouvelles régions pétrolières sont aussi en train d'être développés dans le monde entier. Le prix de pétrole étant en train de s'accroître, la situation actuelles est donc très différentes que dans les années 80 quant à l'interdiction des activités relatives aux ressources minérales. Naturellement, il y a tout de même de grandes difficultés pour une éventuelle exploration et exploitation pétrolière off-shore en Antarctique - notamment la présence de la banquise, des plates-formes de glace, et des icebergs ; et aussi le climat et la nécessité d'utiliser des techniques spéciales. Cependant, la profondeur du plateau continental (400 à 600 mètres en moyenne) n'est plus si problématique qu'auparavant.

Autant dire que le génie des minéraux est encore dans la bouteille… mais il est en train d'examiner ses alternatives. Il y a eu déjà quelques rapports sur des activités de prospection pétrolières et gazière par la Russie dans Mer des Cosmonautes en Antarctique oriental. (Les autorités russes dissent que ces activités ne sont que de recherche et donc absolument légales dans le contexte du Protocole).

4. Quel avenir pour l'Antarctique?

Les deux piliers principaux du Traité en Antarctique de 1959 - le fondement du système - sont la sauvegarde de la paix internationale et l'assurance de la liberté de la recherche scientifique. Avec l'entrée en vigueur en 1998 du Protocole (signé en 1991), la protection du milieu est devenue le troisième pilier du Système du traité sur l'Antarctique. Effectivement, à l'Article 3 du Protocol les Parties " …s'engagent à assurer la protection globale de l'environnement en Antarctique et des écosystèmes dépendants et associés. " Elles en conviennent aussi de "…désigner l'Antarctique comme réserve naturelle, consacrée à la paix et à la science. "

On reconnaîtrent que l 'Antarctique ne pouvais pas rester isolée pour toujours du reste de la planète, et possiblement l'isolation totale n'est pas essentielle pour y conserver. Le problème c'est que la " vague " de commercialisation qu'y arrive pouvait éroder les piliers du système du Traité en Antarctique - et peut-être en faire tomber.

Si l'on veut que l'Antarctique reste un lieu pacifique, où la coopération entre Etats et scientifiques soit plus importante que la compétition ; si l'on veut que la nature en Antarctique soit protégée et reste une source d'admiration pour les générations futures, et, encore, si l'on veut que la prise de décisions reste sur la sphère publique et non complètement appropriée par des intérêts corporatifs, dans ce cas l'on doit observer ce qui s'y passe, proposer des alternatives au développement prévisible, et surtout éviter que l'Antarctique et le système qui le gouverne puisse devenir un système entièrement géré par les lois du commerce.

*Une version préliminaire plus brève de cet article a été publiée précédement: Hemmings A (2004) : " Commercial penetration of Antarctica. " ECOlink, Octobre 2004, pp. 6-8. Forest and Bird : Wellington, Nouvelle Zélande.


Contact :
The Antarctic and Southern Ocean Coalition - ASOC
Adresse postale : 44 II P v.d. Doesstraat
1056 VH Amsterdam, Hollande
Tel. & fax: +31 20 683 8133 - Email: ricardo.roura@worldonline.nl
Le site : http://www.asoc.org


A consulter sur notre site :

Les arguments pour la régulation du tourisme commercial en Antarctique

Document de travail soumis à la Vingt-cinquième réunion consultative du Traité sur l'Antarctique (Varsovie, 2002) par la France

Document d'information soumis à la Vingt-sixième réunion consultative du Traité sur l'Antarctique (Madrid, 2003) par la France.
  Annexes :

Données sur les flux de touristes en Antarctique


Rapport du Pdt. de la réunion d'experts du traité sur l'Antarctique sur le tourisme et les activités non gouvernementales (mai/juin 2004)

A qui appartient l'Antarctique ?
Par Anne Choquet


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