1
- Rappel des faits
A la cinquième réunion du Comité pour la
Protection de l'Environnement Polaire,
la Fédération de Russie a présenté
un document de travail (XXV ATCM/WP19) traitant du prélèvement
d'échantillons des eaux du lac sous-glaciaire Vostok. Ce
document a été qualifié par la Fédération
de Russie de Projet d'évaluation globale d'impact sur l'environnement
mais il n'a pas été soumis dans le respect des dispositions
de l'article 3 de l'annexe I du Protocole. En conséquence,
le comité a décidé que ce projet d'évaluation
globale serait formellement examiné à sa sixième
réunion.
Plusieurs délégations ont manifesté leur
inquiétude devant la possibilité d'une pénétration
comme d'une contamination accidentelle du lac Vostok si l'expédition
russe décidait de forer plus en profondeur.
La Fédération de Russie a souligné les
avantages potentiels que pourraient offrir des nouvelles activités
de forage à des fins de recherche scientifique.
Après un débat, la Fédération de
Russie à indiqué qu'elle avait maintenant l'intention
de se livrer à un premier forage additionnel de 50 m durant
la saison 2003-2004 et qu'elle produirait une évaluation
préliminaire d'impact sur l'environnement pour ce forage.
Elle a par ailleurs indiqué qu'elle soumettrait un projet
révisé d'évaluation globale d'impact sur
l'environnement concernant le forage de 3673 m à 3753 (l'interface
glace-eau) qu'elle avait l'intention d'entamer en 2004-2005 et
que le forage continuerait jusqu'à ce que soit établi
un contact avec la surface du lac pendant la saison 2006-2007.
Le comité pour la protection de l'environnement a créé
un groupe de contact intersessions pour examiner le projet d'évaluation
globale d'impact sur l'environnement et pour donner des avis à
la sixième réunion du Comité pour la protection
de l'environnement. Le comité est convenu de lui confier
le mandat ci-après :
Le groupe de contact intersessions traitera le mandat générique
visé dans l'annexe 3 du rapport final de la troisième
réunion du comité, à savoir :
· La mesure dans laquelle l'évaluation globale
d'impact sur l'environnement est conforme aux dispositions de
l'article 3 de l'annexe I du Protocole relatif à la protection
de l'environnement.
· La question de savoir si les conclusions du projet d'évaluation
globale d'impact sur l'environnement sont bien étayées
par l'information contenue dans le document.
· La clarté, le format et la présentation
du projet d'évaluation globale d'impact sur l'environnement.
Les questions plus spécifiques suivantes seront également
examinées :
· La probabilité d'une contamination accidentelle
du lac (comme par exemple la diffusion rapide du fluide de forage
à travers la glace, la fragilité de la glace en
dessous du trépan, les incertitudes telles que les propriétés
de la glace ou son épaisseur en dessous de 3673 m ou encore
le transfert de micro-organismes non in situ le long du trou de
forage).
· La capacité de gérer des situations d'urgence
comme une pénétration accidentelle de lac ou un
changement soudain dans la pression du fluide du trou de forage
lorsque le contact entre la glace et le lac approche.
· La probabilité et les conséquences d'une
déformation du trou de forage lorsqu'il rencontre le bord
est du bassin lacustre et les méthodes permettant de prévenir
une contamination possible en résultant du lac par le fluide
de forage.
2 - Méthodes de travail
La Fédération de Russie a soumis le Projet Révisé
d'Evaluation Globale d'impact sur l'Environnement en date du 6
février 2003, soit dans les délais prévus
par l'Annexe I Art 3-4 du Protocole de Madrid. Le 12 février
2003, le Comité pour la Protection de l'Environnement publiait
la circulaire 1/2003 informant tous les points de contact que
la Fédération de Russie avait soumis le Projet Révisé
d'Evaluation Globale d'impact sur l'Environnement concernant le
prélèvement d'échantillons des eaux du lac
sous-glaciaire Vostok et qu'un groupe intersession de contact,
agissant selon les termes de référence du CEP V,
examinait ce projet révisé. Tous ceux qui souhaitaient
participer, étaient invités à contacter Jean-Jacques
REYSER, coordinateur du groupe.
Le groupe intersession de contact s'est essentiellement appuyé
sur les dispositions de l'annexe 4 au rapport du CEP II : "
Lignes Directrices pour l'examen par le Comité des Projets
d'Evaluation Globale d'impact sur l'Environnement " et de
l'annexe 3 au rapport du CEP III : " Marche à suivre
pour la création du groupe de contact intersessions chargé
d'examiner les projets d'évaluation globale d'impact sur
l'Environnement ". En conséquence, contact a été
pris avec l'ensemble des Points de Contact du Comité pour
la protection de l'Environnement (CEP) afin de les inviter à
désigner leur correspondant chargé de remettre la
contribution au coordonnateur du groupe.
Ont participé à la discussion : l'Australie, les
Etats-Unis d'Amérique, la France (coordination et discussion),
la Norvège, la Nouvelle-Zélande et l'Antarctic and
Southern Océan Coalition (ASOC).
Le groupe reconnaît l'effort de la Fédération
de Russie pour préparer dans les délais un projet
qui vise à répondre aux dispositions du protocole.
3 - Discussion
3-1 La Mesure dans laquelle l'évaluation globale d'impact
sur l'environnement est conforme
aux dispositions de l'article 3 de l'annexe I du Protocole relatif
à l'environnement
Le groupe de contact intersessions considère que le projet
d'Evaluation Globale d'Impact sur l'Environnement ne répond
que partiellement aux dispositions du texte visé ci-dessus.
Si le document apporte une réponse à un certain
nombre d'alinéas de l'article 3, bien souvent celles-ci
ne sont que partielles ou formulées d'une manière
trop générale pour permettre une évaluation
adéquate des activités proposées.
Le groupe considère que les réponses à
l'article 3(2)(a) sont particulièrement déficientes
sur plusieurs points :
· Objectif : le groupe considère que le document
examiné se propose purement et simplement de justifier
l'activité proposée. Il aurait souhaité qu'une
discussion plus large fasse apparaître les bénéfices
scientifiques pouvant être retirés de l'activité
au regard des conséquences liées aux impacts potentiels.
· La description de l'activité : le document fournit
trop peu d'information sur la technique de forage proposée
- notamment la méthode de forage jusqu'au contact avec
la surface du lac - alors que le liquide de forage est sous-pressurisé
pour permettre à l'eau du lac de remonter dans le puit
de forage. La description des méthodes de forage doit être
plus rigoureuse afin que la probabilité d'une chance de
succès puisse être sérieusement évalué.
· Intensité de l'activité : le groupe considère
que la réponse apportée à la question de
l'intensité est trop générale et partielle.
Peu de détails sont fournis concernant la quantité
de liquide de forage qui sera utilisé, ainsi que les propriétés
du fluide spécial PMS appelé fluide " écologique
". Les propriétés physiques, chimiques et microbiologiques
ne sont pas spécifiées et aucune donnée n'est
fournie concernant la " neutralité écologique
de ce fluide. Le document ne permet pas de déterminer quelle
est la densité réelle de ce fluide et comment d'une
manière générale est assurée la stabilité
du niveau du liquide dans le trou de forage et par delà
la stabilité de la pression.
· Solutions alternatives : le groupe de contact estime
que les solutions alternatives ont été insuffisamment
abordées et ont été très peu étudiées.
En tout cas aucune considération n'a été
accordée à la solution " d'attente " consistant
à différer l'activité dans l'attente de nouvelles
technologies et d'autres processus. Le groupe considère
qu'il serait judicieux d'effectuer des tests sur le système
de forage afin de certifier que cette technologie de forage préserve
l'Environnement.
En ce qui concerne l'alinéa (c) relatif à la description
des méthodes et données utilisées pour prévoir
les impacts de l'activité envisagée, le groupe considère
que les informations fournies par le document sont insuffisantes
et trop générales pour permettre une évaluation
correcte des marges d'erreurs relatives aux données et
de la validité des prévisions d'impacts sur l'environnement.
Il est ainsi noté que davantage de développements
sont accordés à la description de la technologie
et de l'environnement qu'à une véritable analyse
des impacts possibles.
L'estimation de la nature, de l'étendue, de la durée
et de l'intensité des impacts directs probables de l'activité
envisagée, telle que prévue à l'alinéa
(d) est considérée comme très partielle et
la discussion qui en découle est très limitée.
Le groupe aurait voulu que soit pris en compte l'éventualité
d'un accident ainsi que le niveau de contamination acceptable
en cas de pénétration du liquide de forage dans
le lac. L'absence de telles considérations ne permet pas
d'évaluer les conclusions du rapport qui se limite à
qualifier les niveaux d'impact de : " pas d'impact "
ou " impact moins que mineur ou impact transitoire ".
Le groupe considère que cette partie du document est déterminante
et devrait en conséquence être approfondie.
Le groupe estime que le projet ne répond pas aux exigences
de l'alinéa (f) de l'article 3(2) relatif à l'examen
des impacts cumulatifs. Le document considère qu'il existe
un impact cumulatif mais ne traite pas d'avantage le sujet considérant
que l'impact additionnel d'un forage de 130 m est minime et qu'il
se situe dans une zone appelée " NON RECOVERABLE AREA
". Notons au passage l'usage de termes étrangers au
texte du Protocole tels que " NON RECOVERABLE AREA "
(NRA) - " RECOVERABLE AREA " (RA) " CONVENTIONNALLY
INTACT AREA " (CIA). Cette évaluation semble être
le résultat d'un procédé qui consiste à
découper une activité globale en plusieurs sous
activités afin de les évaluer séparément
et indépendamment l'une de l'autre.
Il est donc considéré que cet aspect devrait être
réexaminé en tenant compte des conséquences
des activités passées, présentes et futures,
quelle que soit la qualification de la zone concernée ainsi
que les possibilités et les conséquences d'une contamination
potentielle d'autres lacs sous-glaciaires pouvant être reliés
au lac Vostok.
Les considérations relatives à l'identification
des mesures prévues à l'alinée (g) sont très
faiblement évoquées. Quelques mesures pour atténuer
les impacts sont évoquées, mais restent très
faibles. Ainsi aucune technique de décontamination n'est
évoquée, de même qu'aucun programme de surveillance
n'est proposé. Enfin aucune précision n'est donnée
quant aux mesures prévues en cas d'accident ou d'événement
inattendu dont notamment l'introduction de fluide de forage dans
le lac.
Le groupe considère également que les lacunes
dans les connaissances sont brièvement et faiblement évoquées.
En particulier, il existe des lacunes dans la connaissance du
comportement du fluide et de celui de la glace sous-préssurisée
se trouvant près de l'interface glace-eau, ainsi que la
durée de congélation de l'eau du lac et la composition
chimique de l'eau du lac. Il a été noté que
la méthode proposée pour éviter la pénétration
dans l'eau reste théorique et mériteraient d'être
confortées par des expériences pratiques.
3-2 - La question de savoir si les conclusions du projet d'évaluation
globale d'impact sur
l'environnement sont bien étayées par l'information
contenue dans le document
Le rapport conclu que l'activité proposée vise
à acquérir des connaissances scientifiques complémentaires
sur l'état du lac. Les méthodes et les technologies
utilisées reposent sur les connaissances des lois de la
physique ainsi que sur une longue expérience de forage
profond à la station Vostok. Sur la base de cette expérience,
le projet révisé conclut que " les risques
de contamination dérivant de cette activité et essentiellement
dus à la présence du fluide dans le puit de forage,
peuvent être pratiquement exclus durant la préparation
et la conduite des travaux. La conduite de l'activité proposée
nécessitera un support logistique supplémentaire,
ce qui n'augmentera que de manière insignifiante l'impact
actuel de l'activité de la station sur l'environnement
de la surface glaciaire.
Le groupe considère que ces conclusions ne sont pas suffisamment
étayées par les informations contenues dans le document.
Les méthodes d'évaluation de l'importance de l'impact
pourraient être plus conséquentes et plus complètes
et la notion d'impacts cumulatifs devrait être abordée
de manière plus approfondie. Pour le groupe, la possibilité
d'une contamination de l'eau du lac demeure, en cas d'application
des technologies et méthodologies proposées. Enfin
il est considéré que le document ne prend pas suffisamment
en compte le risque d'une pénétration accidentelle
et incontrôlée de liquide de forage dans le lac.
3-3 La clarté, le format et la présentation du
projet d'évacuation globale d'impact sur
l'environnement
Le groupe considère que le projet est bien présenté
et structuré. Néanmoins certaines parties comportent
quelques contradictions et la formulation manque de clarté.
3-4 La probabilité d'une contamination accidentelle
du lac (comme par exemple la diffusion
rapide du fluide de forage à travers la glace, la fragilité
de la glace en dessous du trépan,
les incertitudes telles que les propriétés de la
glace ou son épaisseur en dessous de 3673 m
ou encore le transport de micro-organismes in situ le long du
trou de forage)
Le groupe considère que, compte tenu des informations
et des descriptions fournies par le document, et si le projet
devait être réalisé tel que proposé,
tout risque de contamination accidentelle du lac ne saurait être
écarté. En particulier, le projet ne prend pas en
compte d'une manière claire la possibilité d'une
pénétration accidentelle et incontrôlée
de liquide de forage dans le lac. Le fonctionnement effectif des
technologies proposées devrait être vérifié
au préalable par des expériences pratiques. Par
ailleurs, le comportement de la glace de fond étant mal
connu ceci pouvant conduire à des évènements
inattendus, le projet devrait davantage approfondir cet aspect
de la question.
Sur le plan biologique, les conséquences potentielles
d'une contamination de l'eau du lac ne sont pas analysées
en détails. La possibilité d'une contamination microbiologique
devrait être discutée d'une manière plus critique.
3-5 La capacité de gérer des situations d'urgence
comme une pénétration accidentelle du lac
ou un changement soudain dans la pression du fluide du trou de
forage lorsque le contact
entre la glace et le lac approche.
Selon le groupe le problème de la capacité de
gérer des situations d'urgence n'a pas été
abordé et aucun plan d'intervention n'est proposé
dans le document. Bien qu'il soit clair que les proposants considèrent
cette situation comme étant impossible, certains membres
du groupe pensent que cette possibilité devrait être
abordée.
3-6 La probabilité et les conséquences d'une
déformation du trou de forage lorsqu'il rencontre
le bord est du bassin lacustre et des méthodes permettant
de prévenir une contamination
possible en résultant du lac par le fluide de forage
Ce sujet n'est que très brièvement examiné
dans le document et le groupe estime qu'un tel risque demeure
notamment en regard du maintien d'une quantité importante
(60 m3) de liquide de forage dans le puits.
4 - Conclusions
Le groupe considère que le projet d'étude globale
d'impact sur l'environnement ne répond que très
partiellement aux dispositions de l'article 3 de l'annexe I du
Protocole.
· La description des activités proposées,
des technologies et des méthodologies est insuffisamment
détaillée pour permettre une évaluation exacte
des risques environnementaux associés au prélèvement
d'échantillon des eaux du lac Vostok.
· Les procédés alternatifs, y compris des
tests sur la technologie dans des situations similaires mais moins
critiques devraient faire l'objet d'un examen plus approfondi.
· L'évaluation de l'impact direct notamment en
cas de pénétration accidentelle ainsi que l'impact
cumulatif n'a été abordé que partiellement.
Il s'agit là d'un élément clé de l'étude
d'impact. Cette évaluation, telle que prévue aux
alinéas (d) et (f) de l'article 3 devrait être reprise
et approfondie.
En ce qui concerne les mandats plus spécifiques, le groupe
de contact a identifié un certain nombre d'inquiétudes
exposées dans les sections précédentes de
ce rapport. Il considère que celles-ci doivent être
prises en compte et approfondies avant que la pénétration
du lac ne soit entreprise.
Le groupe considère que certaines méthodologies
ou technologies décrites d'une manière théorique
dans le projet révisé devraient être validées
par des modélisations ou des tests pratiques.
|