L'utilité d'une Annexe VII du Protocole
de Madrid relative à la réglementation des activités
touristiques et non gouvernementales dans la zone du Traité
sur l'Antarctique
1. Les activités touristiques
se développent constamment dans la zone antarctique.
Force est de constater que ce continent devient de plus en
plus attractif aux yeux des touristes. En effet, depuis 20
ans, leur nombre augmente : en 1998 l'Antarctique a reçu
plus de 10 000 touristes, dépassant ainsi l'effectif
total des stations scientifiques locales et de leurs bases.
Une soixantaine de sites seraient régulièrement
visités par voie maritime (les navires de croisière
peuvent accueillir jusqu'à 1700 passagers et certains
navires peuvent débarquer 800 voyageurs sur certains
sites) soit par voie aérienne.
Face à ce phénomène grandissant les
Etats Parties au Traité sur l'Antarctique et au Protocole
de Madrid ont une compétence générale
pour encadrer les activités touristiques se déroulant
en Antarctique afin de surveiller les conséquences
environnementales dues à de telles activités.
L'article 2 du Protocole de Madrid désigne la zone
du Traité sur l'Antarctique comme " une réserve
naturelle, consacrée à la paix et à
la science ". L'article 3 précise, par ailleurs,
que les activités doivent être organisées
et conduites " de façon à accorder la
priorité à la recherche scientifique et à
préserver la valeur de l'Antarctique en tant que
zone consacrée à la recherche ".
Cette dernière disposition énumère
en outre les principes relatifs à la protection de
l'environnement et l'article 6 exige des Etats Parties de
coopérer pour organiser et conduire les activités
menées au sud du 60ème degré de Latitude
Sud. Sur la base de ces dispositions, on peut considérer
qu'il revient aux seuls Etats Parties de réglementer
cette activité. Laisser aux seules organisations
de tours-opérateurs la possibilité d'édicter
des règles en la matière réduirait
la valeur du cadre juridique existant (en effet, l'élaboration
de règles contenues dans un code déontologique,
en dépit de leur intérêt pratique, n'a
aucune valeur juridique contraignante).
Si, dans le cadre des réunions des Parties consultatives,
la question du tourisme est régulièrement
évoquée et notamment dans les débats
à propos des dommages à l'environnement, elle
n'a toutefois pas fait l'objet de discussion approfondie
depuis un certain temps. On peut rappeler ainsi que la session
formelle de la dix-septième réunion consultative
(Venise, 1992) a été précédée
de deux jours de discussions informelles sur le tourisme
(les 9 et 10 novembre 1992). Cette année-là,
trois Etats ( France, Chili, Italie) avaient décidé
de lancer une initiative conjointe afin de rédiger
un projet d'annexe au protocole de Madrid sur la protection
de l'environnement en Antarctique relative à la réglementation
des activités touristiques et non gouvernementales
sur ce continent. L'intérêt de ce projet d'annexe
trouvait son fondement dans la volonté d'avoir une
approche globale des activités touristiques en Antarctique.
Pour autant, aucun accord n'a été atteint
sur la question. En raison de l'accroissement notable des
activités touristiques, les Etats ont décidé
à la dix-huitième réunion consultative
du Traité sur l'Antarctique (Kyoto, 1994) non "
pas de créer de nouvelles règles mais de procurer
des directives pour les visiteurs de l'Antarctique ainsi
que pour ceux qui organisent et conduisent des activités
touristiques et non-gouvernementales dans cette région
" (Paragraphe 59, Rapport final de la dix-huitième
réunion consultative). Des directives relatives au
tourisme ont été adoptées et elles
figurent à la Recommandation XVIII-I, " Tourisme
et activités non-gouvernementales, Annexes : Directives
pour les visiteurs de l'Antarctique, Directives pour ceux
qui organisent et conduisent des activités touristiques
et non-gouvernementales en Antarctique " (Rapport final
de la Dix-huitième réunion consultative du
Traité sur l'Antarctique (Kyoto, 1994).
Depuis, les Parties consultatives n'ont pas adopté
de nouvelles mesures réglementaires concernant spécifiquement
les activités touristiques. Seuls des efforts ont
été menés quant à la circulation
des données portant sur les touristes. Ainsi, la
Recommandation XIX-3 porte sur les rapports sur le tourisme
et les activités non-gouvernementales (Rapport final
de la Dix-neuvième réunion consultative du
Traité sur l'Antarctique (Séoul, 1995)).
De même, la Resolution XXI-3 est relative à
la Standard Form for Advance Notification and Post-Visit
Reporting on Tourism and Non-Governmental Activities in
Antarctica (Rapport final de la vingt-et-unième réunion
consultative du Traité sur l'Antarctique (Christchurch,
1997)). Plus récemment, les Parties consultatives
ont demandé aux Etats non-Parties consultatives qui
ne sont pas encore Parties au Protocole de Madrid, et en
particulier celles qui ont des activités touristiques
antarctiques qui sont organisées sur leur territoire,
d'adhérer au Protocole de Madrid le plus rapidement
possible (Resolution 6 (1999) - Adherence to the environmental
Protocol by non-consultative parties, Rapport final de la
vingt-troisième réunion consultative du Traité
sur l'Antarctique (Lima, 1999).
Lors de la dernière réunion consultative,
il a été mis en avant la diversité
des activités touristiques, qui peuvent présenter
de nouveaux défis en matière de gestion. Les
Parties consultatives ont pris conscience de l'importance
d'une gestion appropriée du tourisme en antarctique
et ont estimé que la question du tourisme devrait
faire l'objet d'une discussion détaillée à
la vingt-cinquième réunion consultative du
Traité sur l'Antarctique (Varsovie, 2002).
2. La France considère
qu'il est prioritaire de se pencher à nouveau sur
la gestion par les Etats du tourisme en Antarctique en raison
des risques encourus. Les activités touristiques
peuvent être à l'origine de dommages à
l'environnement de l'Antarctique et des écosystèmes
dépendants et associés. De même, cette
activité commerciale peut constituer une entrave
à la recherche scientifique menée dans la
zone du Traité sur l'Antarctique. On pourrait, de
ce fait, considérer que leur présence n'est
pas la bienvenue et que l'on devrait exclure cette activité
au sud du 60e degré de latitude Sud. Cette solution
extrême serait un aveu de relative impuissance, puisqu'elle
reviendrait à admettre l'impossibilité qu'ont
les Parties consultatives à réglementer la
gestion de la seule activité commerciale qui existe
actuellement dans la zone du Traité sur l'Antarctique.
Le Traité sur l'Antarctique ne se réfère
pas aux touristes et le Protocole de Madrid ne traite pas
précisément du tourisme. Cependant les dispositions
du Protocole de Madrid, en raison de leur généralité,
s'imposent aux personnes qui se rendent dans la zone du
Traité sur l'Antarctique, que ce soit tant à
des fins de recherche scientifique ou de logistique qu'à
des fins purement touristiques. Il n'en demeure pas moins
que ces règles n'ont pas été édictées
spécialement à propos des touristes. Sans
dénier la valeur des règles du Protocole de
Madrid, on peut néanmoins regretter que la question
du tourisme ne soit pas plus mis en avant dans le cadre
de cet instrument, dont l'objectif rappelons-le est la "
protection globale de l'environnement en Antarctique et
des écosystèmes dépendants et associés
" (art 2 du protocole).
Il semble en effet que les règles du Protocole de
Madrid en matière de protection de l'environnement
pourraient être renforcées de façon
à ce que les activités touristiques soient
mieux encadrées. Il est en effet indispensable de
faire en sorte qu'elles ne perturbent pas les activités
de recherche en Antarctique puisque " les activités
sont organisées et conduites dans la zone du Traité
sur l'Antarctique de façon à accorder la priorité
à la recherche scientifique et à préserver
la valeur de l'Antarctique en tant que zone consacrée
à la recherche, y compris celle qui est considérée
comme essentielle pour la compréhension de l'environnement
global " (art. 3, paragraphe 3 du protocole).
Il est également important que les touristes ne soient
pas à l'origine de dommages à l'environnement
puisque " la protection de l'environnement en Antarctique
et des écosystèmes dépendants et associés,
ainsi que la préservation de la valeur intrinsèque
de l'Antarctique, qui tient notamment à ses qualités
esthétiques, à son état naturel et
à son intérêt en tant que zone consacrée
à la recherche scientifique, [
], constituent
des éléments fondamentaux à prendre
en considération dans l'organisation et la conduite
de toute activité dans la zone du Traité sur
l'Antarctique " (art.3, paragraphe 1 du protocole).
Outre la recherche des règles qui mériteraient
d'être étudiées et adoptées,
il importe de rechercher sous quelle forme cette réglementation
devrait être adoptée.
3. Dans cette perspective, la France
recommande une annexe séparée ou une annexe
au Protocole de Madrid se rapportant aux questions touristiques
non encore résolues.
1/ La France se propose de soumettre, à la prochaine
réunion consultative, une proposition d'annexe ou
tout texte réglementaire de valeur équivalente
sur les activités touristiques et non-gouvernementales
dans la zone du Traité sur l'Antarctique. Pour mener
à bien ce travail, elle se propose également
de collecter tous les documents d'information et de travail
qui ont été présentés aux différentes
réunions consultatives.
Dans ce contexte il serait utile, de l'avis de la France,
que la Réunion des Parties consultatives demande
à toute délégation ayant un intérêt
particulier dans les activités touristiques de la
contacter. Le travail de préparation de cette annexe
pourrait être conduit dans le cadre d'un groupe de
travail spécialement créé à
cette fin.
Il serait composé de spécialistes-représentants
de toutes les Parties Consultatives ayant exprimé
leur désir d'y participer. A la première phase
du travail, il conviendrait de débattre par internet
de propositions individuelles. Différentes questions
méritent une attention particulière : a) la
nécessité d'une réglementation relative
au tourisme, b) la forme de cette réglementation,
c) le contenu de la réglementation. Dans une deuxième
phase il pourrait être envisagé de consulter
des experts sur cette question.
La France se propose d'animer ce groupe de travail et de
contribuer ainsi ? la préparation des discussions
qui se dérouleront lors de la XXVIème Réunion
Consultative du Traité sur l'Antarctique, au cours
de laquelle les résultats du travail de ce groupe
pourraient présentés et discutés.
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