Pendant presque une décennie, il n'y a pas
eu de débat au niveau politique sur la question
du tourisme en Antarctique, et pourtant durant ces années
la quantité de touristes a progressé d'environ
300%. A la XXIVe Réunion consultative du Traité
en Antarctique (RCTA) (Saint Petersbourg, 2001), l'ASOC
a rouvert la question de la réglementation du
tourisme en Antarctique. Après des initiatives
de l'ASOC et de quelques pays préoccupés
par le développement du tourisme en Antarctique,
comme la France, le tourisme est maintenant une des
questions les plus importantes à débattre
et à inscrire dans les prochains agendas de rencontres
par les pays consultatifs du Traité de l'Antarctique.
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Actuellement c'est le tourisme commercial - le transport
de passagers par opérateurs touristiques - qui présente
le problème le plus urgent à traiter, vu son
accroissement exponentiel. Il y a sûrement d'autres
problèmes liés aux activités en Antarctique
à traiter, comme par exemple les expéditions
privées, les voyages de voiliers, les activités
des organisations écologiques ou les activités
de temps libre des équipes des programmes nationaux
de recherche, mais ces activités sont différentes
du tourisme commercial et ont besoin d'une régulation
spécifique.
L'ASOC accepte que le tourisme en Antarctique (à
savoir, la région au sud de la Convergence Antarctique)
soit une activité légitime. Cela dit, le tourisme
n'est pas une priorité formelle du Traité
de l'Antarctique ou du Protocole Environnemental comme le
sont : la paix, la coopération internationale, la
recherche scientifique ou l'environnement. Selon l'article
3 (J.O n° 222 du 25 septembre 1998 page 14629.) du protocole
du Traité de l'Antarctique, relatif à la protection
de l'environnement (principes relatifs à la protection
de l'environnement):
"La protection de l'environnement en Antarctique
et des écosystèmes dépendants
et associés, ainsi que la préservation
de la valeur intrinsèque de l'Antarctique,
qui tient notamment à ses qualités
esthétiques, à son état naturel
et à son intérêt en tant que
zone consacrée à la recherche scientifique,
en particulier celle qui est essentielle pour
comprendre l'environnement global, constituent
des éléments fondamentaux à
prendre en considération dans l'organisation
et la conduite de toute activité dans la
zone du Traité sur l'Antarctique. " |
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Etant donné que le tourisme constitue une industrie
importante et en expansion, il est nécessaire
que cette activité soit réglementée
par le système du Traité de l'Antarctique
et qu'elle ne soit pas laissée uniquement à
une "auto-réglementation" par l'industrie
elle-même. Par conséquent l'ASOC réfute
les arguments avancés contre l'adoption d'actions
en matière de tourisme - en bref, qu'il n'y a
pas de problème avec le tourisme ou s'il y en
a, il n'y a pas de problèmes que l'industrie
ne puisse solutionner d'elle-même. |
Le développement très rapide du tourisme
(les projections par l'industrie touristique sont d'environ
26,000 touristes sur la saison 2006-07) fait naître
des inquiétudes portant sur :
- l'intensité croissante des activités touristiques
générant l'accroissement des pressions sur
l'environnement
- la pénétration du système politique
de l'Antarctique par l'industrie touristique et son influence
croissante sur la prise de décisions par le Système
du Traité de l'Antarctique.
Les opérations touristiques sont en train de
changer de formes. Traditionnellement (avant l'expansion
commencée au début de la décennie
des années 90) la majorité des opérateurs
utilisaient des brise-glaces de capacité de moins
de 200 passagers et visitaient un nombre modéré
de lieus différents, principalement sur la Péninsule
Antarctique. Maintenant, il y a beaucoup plus de choix
de bateaux - quelques-uns avec une capacité de
1.000-1.500 passagers ou plus, ce qui ne correspond
pas normalement à la capacité de ces brise-glaces
(et donc avec lesquels les risques d'accidents sont
beaucoup plus grands). Il y'a de nouvelles modalités
de tourisme, comme des fly sail , transport aérien
qui permet aux touristes d'éviter le Passage
de Drake et ses tourmentes
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Il y a aussi de nouveaux itinéraires comme la région
de la Mer de Ross ou le tour de l'Antarctique. Toutefois,
beaucoup de touristes se concentrent de plus en plus les
mêmes lieus de l'Antarctique - les must see
ou lieus populaires, comme l'Ile Déception : le tourisme
de masses est donc arrivé en Antarctique. Le prochain
développement - s'il l'on ne l'arrête pas avant
- serait la construction d'infrastructures touristiques
sur le continent, comme par exemple des hôtels. Un
nouveau phénomène apparaît, il s'agit
du " tourisme d'aventure " organisé qui
pénètre de plus en plus à l'intérieur
du continent - comme l'ascension de pics vierges, et même
l'accès au Pole Sud. Ce sont les nouveaux "
explorateurs ", les précurseurs de tourisme
de masses. Les problématiques connues sur les pentes
de l'Everest vont se faire aussi sentir en Antarctique.
Naturellement, les risques des impacts sur l'environnement
seront croissants et parallèles aux activités
humaines. Les activités touristiques sur l'Antarctique
se concentrent sur les lieus les plus attractifs, normalement
caractérisés pour leur diversité biologique
ou pour leur attrait historique, zones où les risques
d'impacts directs, indirects ou cumulatifs sont les plus
grands.
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Les activités de tourisme, comme toutes les
activités humaines en Antarctique, doivent respecter
l'obligation liée au Protocole Environnemental
de procéder à des évaluations d'impact
sur l'environnement (EIE) avant d'autoriser de telles
activités. L'objectif des EIE est d'établir
par rapport aux activités proposées l'identification
des impacts potentiels sur l'environnement et leur conséquence,
et d'étudier les mesures pour les réduire.
En fait, les EIE sont les seuls dispositifs permettant
de décider si une activité en Antarctique
- n'importe laquelle - peut ou non se poursuivre. (Inévitablement
la majorité des EIE préconisent que les
activités touristiques peuvent se poursuivre)
. |
Les EIE ont été désignées pour
statuer sur des activités comme la construction des
bases - à savoir, activités en une localité
déterminée où la faune, la flore, etc.
sont relativement bien connues et où il est possible
de planifier la surveillance de l'environnement sur du long
terme. Par conséquent son fonctionnement n'est pas
adéquat pour des activités comme le tourisme,
qui est par définition une activité non sédentarisée
et où l'itinéraire définitif de chaque
trajet est défini par rapport à des contraintes
logistiques. Les EIE sont nécessaires, mais ne sont
certainement pas suffisantes, comme mécanisme de
control du tourisme. Donc, d'autres dispositifs sont nécessaires.
En débattant de cette question, il y'a de pays
qui supportent l'"auto-réglementation"
par l'industrie - comme les Etats Unis et la Grande
Bretagne. Pour ces pays " libéralistes ",
quelques lignes directrices spécifiques pour
des questions particulières liées aux
opérations de tourisme étaient suffisantes
pour prévenir ou éliminer tous les effets
négatifs de ces activités. En revanche,
il y'avait des pays qui privilégiaient la voie
de la régulation du tourisme par le système
du Traité de l'Antarctique - comme la France
et l'Espagne - avec des dispositifs spécifiques. |
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A la XXVe RCTA (Varsovie, 2002) un débat a eu lieu
sur le document de travail (XXV ATCM/WP2) présenté
par la France portant sur des propositions concernant la
réglementation des activités touristiques
et non gouvernementales et la question d'une annexe additionnelle.
Selon le rapport final de cette réunion:
" Un certain nombre de délégations
ont estimé qu'une nouvelle annexe du Protocole
relatif à la protection de l'environnement
sur la réglementation du tourisme et des
activités non gouvernementales comme l'avait
proposé la France n'était pas nécessaire.
Elles étaient en effet d'avis que le Protocole
traite de manière efficace les aspects
du tourisme liés à l'environnement.
Il n'empêche qu'un certain nombre de questions
telles que la santé, la sécurité
et l'assurance, en particulier des expéditions
touristiques à haut risque ("tourisme
d'aventure") suscitaient des préoccupations.
" |
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A Varsovie l'ASOC a défini les options qui
s'offrent aux Parties pour réglementer le tourisme.
L'ASOC croit que les options les plus appropriées
sont la réglementation par le biais d'une ou
plus annexe additionnelle au Protocole, une mesure dans
le Traité ou un nouvel outil lié aux dispositifs
du Traité en Antarctique - une Convention pour
la réglementation du tourisme en Antarctique.
Nous avons aussi proposé l'utilisation de mesures
complémentaires dans le cadre d'un dispositif
portant sur les navires se livrant à des activités
de tourisme dans l'Antarctique en impliquant la compétence
de l'État abritant les navires. |
Le débat ne fait que commencer. La question du tourisme
en Antarctique sera approfondie à la prochaine réunion
consultative du Traité sur l'Antarctique (Cape Town,
juin 2004) et a déjà été débattue
lors d'une réunion de travaille préliminaire
en Norvège (Tromso, 22-25 de mars de 2004 voir la
synthèse).
Alors, pour ou contre la régulation du tourisme?
Pour tenter de répondre à cette question il
faut rappeler que le système du Traité en
Antarctique ne fonctionne pas par majorité des votes
mais par consensus. Donc, la résolution de cette
question devra passer par l'acceptation de ces données
par l'ensemble des pays consultatifs du Traité de
l'Antarctique. L'ASOC espère que ces résolutions
iront dans le sens de la préservation de l'environnement.
Photos de l'Isle Deception aux South
Shetland Islands, janvier-fevrier 2002, © Roura.
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Ricardo Roura
- Ricardo Roura représente la Coalition sur l'Antarctique
et l'Océan Austral (ASOC - Antarctic and Southern
Ocean Coalition ), coalition des associations environnementalistes
formée en 1978 sous forme d'une ONG qui regroupe
plus de 200 organisations environnementalistes réparties
dans 50 pays . R. Roura est le coordinateur pour l'Europe
de la campagne sur les activités touristiques en
Antarctique.
Contact :
The Antarctic and Southern Ocean Coalition - ASOC
Adresse postale : 44 II P v.d. Doesstraat
1056 VH Amsterdam, Hollande
Tel. & fax: +31 20 683 8133
Email: ricardo.roura@worldonline.nl
Le site : http://www.asoc.org
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