La France dispose désormais d'un arsenal juridique
obligatoire qui devrait permettre de mieux protéger l'environnement
en Antarctique. Lorsqu'une activité sera planifiée en Antarctique,
elle devra, suivant son impact sur l'environnement, soit être déclarée
soit faire l'objet d'une autorisation.
Il importe, en conséquence, de présenter les règles
qui encadrent les activités françaises en Antarctique. Après
avoir envisagé le champ d'application de la réglementation
française (I), il s'agira de présenter quelles activités
sont interdites (II), le rôle essentiel de l'Administrateur supérieur
des TAAF (III). Ensuite, nous préciserons quelles activités
relèvent de la procédure de déclaration et celles
qui sont soumises à autorisation (IV). Enfin, nous nous intéresserons
aux sanctions qui peuvent être envisagées lorsque les règles
sont méconnues (V).
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I)
Champ d'application de la réglementation française antarctique |
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L'organisation
et la conduite d'activités au sud du 60e degré de latitude
Sud sont soumises à un arsenal juridique contraignant. |
Le champ d'application de la réglementation
française en matière de protection de l'environnement
en Antarctique mérite d'être clarifié, en effet,
la loi de 2003 précise les personnes et les activités
qui sont concernées par elle. |
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A) Les personnes concernées |
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Conformément à l'article
L.711-3 du Code de l'environnement, les règles de la loi de
2003 et de son décret d'application s'appliquent à |
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Toute personne (quelle que soit
sa nationalité) qui envisage une activité en Terre Adélie (partie
française du continent antarctique), ainsi que tout navire ou aéronef
utilisé à cette fin |
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Tout Français (personne physique
ou morale) qui envisage une activité enAntarctique, ainsi que
les navires battant pavillon français et les aéronefs
immatriculés en France. |
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Toute personne qui organise sur
le territoire français ou à partir de celui-ci des activités
en Antarctique ou y participe. |
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B) Les activités concernées |
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Les
activités concernées par la réglementation française
en matière de protection de l'environnement en Antarctique
sont larges et diversifiées. En effet, la loi de 2003 s'applique
à l'organisation et la conduite d'activités en Antarctique
(article L.711-2 du Code de l'environnement). Elle couvre donc tant
les activités de recherche scientifique que les activités
touristiques. |
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Certaines
activités bénéficient toutefois d'un régime
d'exception. Elles ne sont, en effet, pas soumises à déclaration
préalable ou à autorisation.
Tel est le cas : |
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des activités de pêche
gérées dans le cadre de la Convention sur la conservation
de la faune et de la flore marines de l'Antarctique (Canberra, 1980)
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Etablie
pour préserver l'intégrité de l'écosystème
antarctique, cette convention s'applique aux ressources marines vivantes
de la zone située au sud du 60ème degré de latitude
Sud et aux ressources marines vivantes de la zone comprise entre cette
latitude et la convergence antarctique qui font partie de l'écosystème
marin antarctique (article 1, paragraphe 1 de la Convention de Canberra).
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l'exercice de la liberté
de navigation et de la liberté de survol en haute mer ; |
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les activités autorisées
par un autre Etat Partie au Protocole de Madrid. |
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Il
s'agit là d'une conséquence pratique du principe de
coopération interétatique consacré par le Traité
sur l'Antarctique en 1959. La coopération est ici renforcée
par le principe de réciprocité que consacre la loi française.
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les activités exercées
par des navires ou des aéronefs de l'Etat français |
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exerçant une mission de police et
de défense nationale, qui sont souvent amenés à
contrôler le respect du droit international dans la zone du
traité. |
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II)
Des interdictions |
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Avant
tout, toute activité ne peut être envisagée en
Terre Adélie (pour toute personne) ou en Antarctique (pour
ressortissants français) que si elle a été déclarée
ou fait l'objet d'une autorisation (tout dépend de l'impact
sur l'environnement qu'elle devrait avoir).
Cependant, quel que soit leur impact sur l'environnement, certaines
activités sont strictement interdites. Tel est le cas, notamment
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des activités de prospection
ou d'exploitation des ressources minérales, sauf celles menées
à des fins scientifiques |
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de l'introduction ou l'élimination
en Antarctique de déchets radioactifs |
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des activités militaires |
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de l'introduction d'un animal ou
d'une plante appartenant à une espèce non indigène en Antarctique |
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III)
Le rôle essentiel de l'Administrateur supérieur des TAAF |
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Le
décret attribue une compétence de principe à
l'administrateur supérieur des Terres Australes et Antarctiques
Françaises (T.A.A.F.), |
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d'une part pour accorder les autorisations
et recevoir et instruire les déclarations |
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et d'autre part pour assurer la
surveillance des activités déclarées ou autorisées. |
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Les
Terres australes et antarctiques françaises sont, depuis la
loi du 6 août 1955, un Territoire d'outre-mer doté de
l'autonomie administrative et financière. Elles sont administrativement
divisées en quatre districts (archipel des Crozet, îles
Kerguelen, îles Amsterdam et Saint-Paul et Terre Adélie).
Les T.A.A.F. sont administrées par un Administrateur supérieur,
récemment Préfet des T.A.A.F. (décret n°2003-1172
du 8 décembre 2003 relatif à la représentation
de l'Etat dans les Terres australes et antarctiques françaises).
En
matière environnementale, l'Administrateur supérieur
des T.A.A.F. est donc destinataire des déclarations d'activités
et délivre les autorisations qui incluent les demandes de permis
présentées au titre des annexes du protocole.
Lorsque
l'activité envisagée présente un impact plus
que mineur ou transitoire et qu'une évaluation globale d'impact
sur l'environnement est mise en uvre, l'Administrateur supérieur
agit après avis du Comité de l'environnement polaire
(décret n°93-740 du 29 mars 1993 portant création
d'un comité de l'environnement polaire, modifié en 2002),
dont les différents membres ont été récemment
été désignés (arrêté du 26
janvier 2005).
L'administrateur
supérieur des T.A.A.F. se voit confier, par ailleurs, la conduite
des missions de surveillance des activités se déroulant
en Antarctique, missions établies dans le Protocole de Madrid
et ses annexes. |
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IV)
Permis ou déclaration préalable ? |
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Lorsqu'une
activité a été autorisée par un autre
Etat partie au Protocole de Madrid, les autorités françaises
n'exigent pas de permis ou de déclaration préalable.
Toute
activité antarctique qui n'est pas interdite est soumise à
autorisation ou déclaration préalable. Le critère
à retenir n'est pas la nature de l'activité. En fait,
l'intensité de l'impact sur l'environnement que devrait avoir
l'activité envisagée conditionne le choix de la procédure.
L'activité est soumise à |
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déclaration : lorsqu'elle
a sur l'environnement un impact moindre que mineur ou transitoire |
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autorisation : lorsqu'elle a sur
l'environnement un impact au moins mineur ou transitoire |
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Tout
dépend donc de l'impact sur l'environnement. Seules les activités
soumises à autorisation sont subordonnées à la réalisation préalable
d'une évaluation de l'impact de l'activité sur l'environnement. Elles
sont autorisées lorsque ces activités sont compatibles avec la conservation
de l'environnement en Antarctique (article L 712-2 du Code de l'environnement). |
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A) L'exigence d'une déclaration
préalable |
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Il importe non seulement de préciser
quelles activités sont soumises à déclaration
préalable mais également la procédure à
suivre si une activité doit être déclarée.
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1 - Activités soumises à
déclaration préalable |
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Sont
soumises à déclaration des activités qui ont
sur l'environnement un impact moindre que mineur ou transitoire.
Ces
activités ne sont pas soumises à évaluation d'impact
sur l'environnement préalable.
Le décret précise certains éléments utiles
à l'identification des activités soumises à déclaration.
En aucun cas, les activités qui sont soumises à déclaration
ne peuvent comporter : |
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de création d'une installation fixe
et de modification d'une installation existant |
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d'introduction en Antarctique de
faune, de flore et plus généralement de tous organismes ou micro-organismes
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de travaux modifiant l'état des
lieux ; |
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d'usage d'engins terrestres motorisés
sur le continent, les îles et les plates-formes glaciaires |
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de prise de faune et de flore au
sens de l'article 1er, paragraphe g) de l'Annexe II du Protocole de
Madrid relative à la conservation de la faune et de la flore de l'Antarctique |
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de pénétration dans une Zone Spécialement
Protégée de l'Antarctique, au sens de l'Annexe V du Protocole de Madrid
relative à la protection et la gestion des zones |
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2 - La procédure à suivre
pour déclarer une activité |
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Elaboration d'un dossier de déclaration
d'activité |
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Quatre mois au moins avant la date
prévue pour le commencement de l'activité, déclaration
adressée à l'Administrateur supérieur des T.A.A.F. |
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Dans un délai de deux mois
suivant la réception du dossier de déclaration complet,
l'administrateur supérieur peut s'opposer à l'exercice
de l'activité par décision motivée. |
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Communication par l'Administrateur
des T.A.A.F. de la déclaration d'activité au Ministre
des affaires étrangères qui en informe les autres Etats
parties au Traité sur l'Antarctique. |
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Mise à disposition du public
des déclarations (avis publié une fois par an au J.O.R.F.)
et par tous autres moyens appropriés). |
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B) L'exigence d'une autorisation
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Comme
précédemment avec la déclaration, il importe
non seulement de préciser quelles activités sont soumises
à autorisation mais également la procédure à
suivre si une activité doit être autorisée. |
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1 - Activités soumises autorisation |
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Prise de faune ou de flore au sens
de l'article 1er de l'annexe II du Protocole de Madrid |
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Pénétration dans une
Zone Spécialement Protégée de l'Antarctique au
sens de l'Annexe V du Protocole de Madrid relative à la protection
et la gestion des zones |
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Création d'une installation
fixe et de modification d'une installation existant |
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Travaux modifiant l'état
des lieux |
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Usage d'engins terrestres motorisés
sur le continent, les îles et les plates-formes glaciaires |
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2 - La procédure à suivre pour obtenir
une autorisation |
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Une
évaluation d'impact sur l'environnement est requise.
Deux
types d'évaluations peuvent être envisagés : |
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évaluation préliminaire
d'impact sur l'environnement |
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évaluation globale d'impact
sur l'environnement |
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a) Procédure à suivre
si pas de projet d'évaluation globale sur l'environnement envisagé |
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Elaboration d'un dossier (divers
éléments requis) |
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Cinq mois au moins avant la date
prévue pour le commencement de l'activité, demande d'autorisation
adressée à l'Administrateur supérieur des T.A.A.F. |
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Si demande d'autorisation accompagnée
d'une évaluation préliminaire d'impact sur l'environnement,
le comité de l'environnement polaire donne son avis dans un
délai de deux mois. |
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Si silence gardé par l'administration
pendant quatre mois à compter de la demande, décision
implicite de rejet. |
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Possibilité d'autorisation
délivrée sous réserve de l'observation de prescriptions
particulières. |
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Si décision de refus, possibilité
d'une invitation à présenter une nouvelle demande accompagnée
d'un projet d'évaluation globale d'impact sur l'environnement. |
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Mise à disposition du public
de la décision d'autorisation et de l'évaluation globale
d'impact sur l'environnement (publication par l'Administrateur supérieur
des T.A.A.F. par au Journal officiel de la République française
et par tous autres moyens). Eléments transmis au Ministre des
affaires étrangères qui les transmet aux autres Etats
parties au Traité sur l'Antarctique. |
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b) Procédure à suivre
si projet d'évaluation globale sur l'environnement envisagé |
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Elaboration d'un dossier (divers éléments requis)
- Un an avant la date prévue pour le commencement de
l'activité,
demande d'autorisation adressée à l'Administrateur
des T.A.A.F.
-
Ensuite, l'Administrateur des T.A.A.F. |
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Demande d'avis au comité de l'environnement
polaire (qui se prononce dans un délai de 3 mois)
Mise à disposition du public du projet d'évaluation
d'impact (publication au Journal officiel de la République
française et par tous autres moyens)
Projet adressé au Ministre des affaires étrangères
qui le transmet au Comité de protection de l'environnement
institué par le Protocole de Madrid et aux autres Etats parties
au Traité sur l'Antarctique afin d'en permettre l'examen par
la réunion consultative du traité sur l'Antarctique
(dans les conditions prévues à l'article 3, paragraphes
3 à 5 de l'Annexe I du Protocole de Madrid)
Transmission au demandeur d'autorisation |
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-
Avis du comité de l'environnement polaire et du comité
de protection
de l'environnement
-
Observations de la réunion consultative du traité
sur l'Antarctique. |
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-
Elaboration (par le pétitionnaire) d'une évaluation
globale définitive d'impact
sur l'environnement en tenant compte de ces avis.
-
Si silence gardé par l'administration pendant deux mois
à compter de la réception de l'évaluation
globale définitive d'impact sur l'environnement, cela vaut
décision implicite de rejet de la demande d'autorisation
-
Mise à disposition du public de la décision d'autorisation
et de l'évaluation globale d'impact sur l'environnement (publication
par l'Administrateur supérieur des T.A.A.F. par au Journal
officiel de la République française et par tous autres
moyens). Eléments transmis au ministre des affaires étrangères
qui les transmet aux autres parties au Traité sur l'Antarctique.
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V)
Des sanctions |
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La
loi de 2003 fixe des sanctions au non-respect des règles qu'elle
pose. Outre des sanctions administratives, des sanctions pénales
sont prévues, notamment : |
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-
Un an d'emprisonnement et 75 000 EUR d'amende si |
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organisation ou participation à
une activité qui n'a pas fait l'objet de l'autorisation
méconnaissance des conditions de cette autorisation
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Deux ans d'emprisonnement et 30 000 EUR d'amende si |
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activité de prospection ou
d'exploitation des ressources minérales, sauf si activités
menées pour les besoins de la recherche scientifique dans les
limites de l'autorisation délivrée à cet effet
commercialisation de matériaux résultant d'une
activité illicite de prospection ou d'exploitation de ressources
minérales en Antarctique |
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Deux ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende si |
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introduction ou élimination
de déchets radioactifs en Antarctique |
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VI)
Textes de référence |
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- Traité sur l'Antarctique, adopté
à Washington le 1er décembre 1959, entré en vigueur
le 23 juin 1961
- Convention sur la conservation de la faune et de la flore marines
de l'Antarctique, signée à Canberra le 20 mai 1980 et
entrée en vigueur le 7 avril 1982
- Protocole au Traité sur l'Antarctique relatif à la
protection de l'environnement, signé à Madrid le 4 octobre
1991, entré en vigueur le 14 janvier 1998
- Décret n°93-740 du 29 mars 1993 portant création
d'un comité de l'environnement polaire
- Décret n° 2002-496 du 9 avril 2002 modifiant le décret
n° 93-740 du 29 mars 1993 portant création d'un comité
de l'environnement polaire
- Loi n°2003-347 du 15 avril 2003 relative à la protection
de l'environnement en Antarctique
- Décret n°2003-1172 du 8 décembre 2003 relatif
à la représentation de l'Etat dans les Terres australes
et antarctiques françaises
- Arrêté du 26 janvier 2005 portant nomination au comité
de l'environnement polaire
- Décret n°2005-403 du 28 avril 2005 relatif à la
protection de l'environnement en Antarctique et modifiant le Code
de l'environnement
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