L'EXPEDITION VERS LE POLE
La retraite
Jusqu'à mi-avril, la retraite se fait dans d'excellentes conditions.
La glace est meilleure que vers le Nord, et les deux hommes arrivent à
parcourir jusqu'à 20 milles par jour.
L'été approche et la température avoisine -27°
C. Il leur faut faire vite. Si le temps devient trop doux, la débâcle
rendra plus pénible et plus dangereuse la retraite. Début
mai, il n'y a plus de provisions pour les chiens et il faut se résoudre
à abattre les plus faibles pour nourrir les autres.
Il ne reste plus que 16 bêtes. Fin mai, Nansen et Johansen atteignent
82° 21' N. La terre n'est toujours pas en vue, et les réserves
de vivres qui commencent à être rationnées risquent
d'être insuffisantes. Les deux hommes progressent avec difficulté
dans une bouillie glacée embourbant les traîneaux, et la
marche devient vite impossible sur la neige détrempée. La
situation devient très critique : plus de vivres, aucun gibier
et une banquise impraticable. Le 22 juin, ils chassent des phoques, ce
qui leur laisse suffisamment de vivres et de combustible pour un mois.
Le 3 juillet, à 82° 8' N, la température est tout juste
positive et la pluie commence à nettoyer la bouillie de glace.
Mi-juillet, la neige ayant en partie disparue, les deux compagnons préparent
leur départ. Ils rendent étanches les coques des kayaks
et abandonnent des bagages : sacs de couchage, provisions de viande et
de graisse, une partie de la pharmacie et de la batterie de cuisine, des
skis. Le départ à lieu le 22 juillet, et cinq jours plus
tard, pour la première fois depuis deux ans, la terre est en vue.
Le 1er août, la banquise devient impraticable par les kayaks, et
le vent du Sud éloigne les explorateurs de la terre. Les deux derniers
chiens sont exécutés. Dérivant vers l'Est, Nansen
et Johansen découvrent un archipel formé de quatre îles
auxquelles ils donnent les noms d'île Eva, d'île Liv, d'île
Adélaïde et d'île Freeden.
Nansen pense se trouver sur la côte Est de la terre François-Joseph,
probablement sur la fameuse terre de Gillies. Mi-août, ils atteignent
une île qu'ils nomment île Houen et foulent, pour la première
fois depuis leur départ, la terre ferme. A la fin du mois, les
deux explorateurs sont résolus à hiverner sur cette île.
Un hivernage supplémentaire
Ils
débutent la fabrication de la hutte qui doit les abriter pendant
l'hiver. Ils élèvent des murs d'une hauteur de 0,9 m au-dessus
d'une cavité de même hauteur, et fabriquent un toit avec
du bois et des peaux de morses tendues des deux côtés du
faîtage et maintenues par de lourdes pierres. Une porte, constituée
d'une peau d'ours donne sur un long couloir creusé dans le sol.
La hutte n'est pas grande (longueur 3 m - largeur 2 m), mais les deux
explorateurs n'ont rien connu d'aussi confortable depuis leur départ
du Fram. Fin août, les deux hommes s'installent dans leur nouvelle
demeure. Les nombreux ours et morses constituent leur stock de viande
fraîche et de combustible. Le dépècement des morses
est une tâche à la fois difficile et répugnante. Outre
le poids colossal de certaines bêtes, les deux hommes doivent découper
en partie l'animal dans l'eau. Couverts d'huile, de graisse et de sang
des pieds à la tête, leurs vêtements qu'ils doivent
conserver pendant un an sont éprouvés, et tellement imbibés
d'huile, que leur peau finit par s'en imprégner.
Le 15 octobre, leur troisième nuit polaire commence, et les températures
descendent vite. Fin novembre, il fait - 23° C et début janvier,
- 41,5° C. A l'intérieur, la température se maintient
au point de congélation.
Début avril, Nansen et Johansen commencent les préparatifs
du départ. Ils élaborent de nouveaux vêtements avec
des peaux d'ours et des couvertures et effilent des sacs en toile pour
se procurer du fil. Les conserves, précieusement gardées
pour la retraite, étant toutes moisies, ils doivent embarquer autant
de viande crue que possible.
Sources iconographiques : L'Illustration 10 avril 1897 (illustrations
d'aprés les photograpies réalisées durant l'expédition)
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