COUPURE DE PRESSE
L'expédition AMUNDSEN - En avion vers le Pôle
Source : L'illustration - N°4316, 21/11/1925 - N°4317, 28/11/1925
- N°4319, 12/12/1925.
Résumé
Objectifs et préparatifs
En cette année 1924, les visions prophétiques de Jules
Verne semblent se réaliser. Un explorateur déjà connu,
Amundsen organise un raid en avion vers le Pôle Nord et le finance
grâce à Ellsworth (85.000 dollars) qui souhaite y participer.
Le Pôle Nord, vaste océan gelé, épaisse banquise
qui s'étend sur toute la calotte arctique du globe va être
explorée par la voie des airs.
L'exploit est incroyable compte tenu de l'environnement. Effectivement,
des radeaux de glace qui dérivent constamment et dont les collisions
forment des monticules de 8 à 10 m semblent être un terrain
d'atterrissage plus que dangereux.
Il choisit de partir en été car les températures
ne descendent pas en dessous de -12°C, ce qui lui semble supportable.
L'inconvénient de cette saison est l'intensité du brouillard.
L'objectif d'Amundsen n'est pas d'atteindre, absolument, le Pôle
Nord.
Dans un premier temps, il souhaite aller le plus loin possible au-dessus
de la grande banquise, entre le Spitzberg et l'Alaska afin de vérifier
qu'il n'y a aucune terre dans cet espace mais seulement un océan.
Dans un second temps et pour un projet à réaliser dans 2
ans, il souhaite étudier la possibilité d'accomplir la traversée
complète de la zone polaire boréale par voie aérienne.
Voici, l'équipement aérien de l'expédition :
- 2 hydravions : N24 et N25 construits par une firme allemande installée
à Marina Del Pisa en Italie.
- Les N24 et N25 sont équipés de moteurs Rolls-Royce qui
permettent de soulever beaucoup de poids et de décoller de divers
plans.
- Les appareils sont protégés du froid : de la toile pour
les tuyaux, un mélange de glycérine pour que l'eau du radiateur
ne gèle pas avant -17°C et des réchauds catalytiques
(invention française de Messieurs Lumière et Herck) permettent
aux moteurs de toujours bien démarrer même par les grands
froids de la banquise.
Pour les hommes de bons vêtements chauds en peau de mouton,
phoque ou poil de chameau ainsi qu'une boussole et un compas solaire
imaginé par Amundsen.
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Départ pour la base d'opération
 Le
9 avril 1924, ils partent en bateau de Tromsoï (petite ville
de la Norvège septentrionale) pour appareiller au Spitzberg.
Il y a 2 navires pour effectuer la traversée. " Le Hobby
" pour transporter les hydravions et le " Farm "
(transport de la marine nationale) pour Amundsen et Ellsworth.
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La base d'opération est située dans la baie du Roi (King's
bay) près du village de Ny Aalesund qui est équipé
d'un poste T.S.F en relation avec le réseau européen. Les
habitants représentent une ressource en personnel pour la mission
et le montage des appareils.
Dès le départ, une tempête se déchaîne
et oblige le "Farm" à faire demi-tour tandis que le "Hobby"
poursuit sa route. Profitant d'une accalmie, Le "Farm" reprend
la mer le soir même. Chacun parcourt seul le trajet.
2 jours plus tard, les glaces apparaissent enfin et seul, le "Farm"
mouille dans la baie du Roi.
Amundsen et Ellsworth sont accueillis et installés par les Directeurs
de la mine de charbon.
Plusieurs jours après, le "Hobby" arrive par un
temps défavorable avec les hydravions. Il a essuyé
2 tempêtes (celle du départ et l'autre vers le Spitzberg)
que Dietrichson qualifie de terrifiante.
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Il faut maintenant débarquer les avions alors que 3 km de
banquise sépare le "Hobby" de la terre ferme. Leur
salut se présente sous la forme d'un solide bateau à
vapeur qui brise la glace tout en traçant un chenal qui permet
de rapprocher les avions et de les débarquer.
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Il reste à monter les appareils pièce par pièce
aidés de spécialistes : le directeur des Ateliers de construction
de Marina Del Pisa est présent avec 2 mécaniciens. Il y
a également Omdal, spécialiste Rolls-Royce pour la mise
au point des moteurs.
Pour finir, 2 météorologues (Dr Bjerknes et M. Calwagen)
sont présents pour renseigner la mission. Ils travaillent avec
la T.S.F et la météo sur les pays proches. Les prévisions
du Docteur concernant le vol d'Amundsen se sont révélées
exactes.
Le 9 mai, le N25 est prêt et les essais sont positifs. Son envol
est différé jusqu'au 21 mai pour cause météo.
L'expédition
Chaque avion a une charge de 3100 Kg. Il y a des vivres pour 30 jours
(1 Kg/jour/homme) et le matériel de campement (tentes, sacs de
couchage, skis, traîneaux, réchauds
). La charge est
telle que chaque homme doit limiter ses effets personnels à 2 Kg.
Le
kilo de nourriture journalier se compose de 450 gr de pemmican (aliment
nourrissant de viandes et légumes en poudre à réchauffer
dans de l'eau), 250gr de chocolat, 125gr de biscuits, 100gr de lait en
poudre et 125gr de lait malté.
Les membres d'équipage du N25 sont Amundsen (observateur), Riiser-Larsen
(pilote) et Feutch (mécanicien de la firme). Ceux du N24 sont Ellsworth
(observateur), Dietrichson (pilote) et Omdal (mécanicien).
Amundsen donne ses consignes aux 2 navires. Ils devront patrouiller pendant
7 semaines au cas où l'expédition devrait effectuer un retrait
à pied par la banquise.
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A 16H00, le N25 décolle sans aucune difficulté malgré
la surcharge de poids. Pour le N24 c'est différent, la banquise
cède sous son poids et il abîme sa coque en la frottant
contre la neige. Il parvient à décoller in extremis
tandis que l'eau envahit l'avion. Il rejoint le N25 et ils volent
ensemble.
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Durant 8 heures, ils parcourent 900 km et ne voient rien d'autre que
du brouillard et le blanc de la banquise, il n'y a pas un signe de vie.
Le N25 a consommé la moitié de son essence, Amundsen
décide de se poser sur une nappe d'eau au cur de la
banquise. Il souhaite déterminer leur position car en traversant
les nappes de brouillard ils ont été déportés
mais sans savoir dans quelle direction et avec quelle force ?
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Le terrain est difficile, le moteur a des ratés mais le
N25 réussi son amerrissage. A l'aide de son sextant, Amundsen
détermine leur position. Ils sont à environ 254 km
du pôle.
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Le N24, quant à lui, accumule les difficultés. En traversant
les nappes de brouillard, au niveau du Spitzberg, la température
du radiateur s'est élevée de manière anormale. Le
mécanicien affirme que tout va bien niveau moteur mais Dietrichson
reste inquiet durant plusieurs heures sans pouvoir atterrir ou amerrir.
Faute de place, il ne peut amerrir près du N25.
Il cherche un autre endroit et se pose. Ellsworth détermine leur
position.
Immédiatement,
l'équipage du N24 repère le N 25 à 3 ou 4 miles marins
au Nord. Dietrichson tente à plusieurs reprises de rallier l'autre
campement mais la progression est difficile. De nombreuses fois des nappes
de glace jeune l'obligent à faire demi-tour. Dans le même
temps, Omdal répare le moteur, il y travaille 2 jours. Pour finir,
la déchirure dans l'avion les empêche de dormir à
l'intérieur. Il doivent camper sur la banquise
sans réchaud.
Depuis son amerrissage du jour, le 22 mai, le N25 est pris dans les glaces,
la situation est dangereuse. La banquise bouge et peut écraser
l'avion à tout moment. Ils parviennent pas à le dégager
et de plus ils ne voient pas le N24.
Ils s'installent à l'intérieur pour passer la nuit et utilisent
les réchauds.
Ils n'ont aucun matériel pour dégager l'avion car ce type
de difficulté n'a pas été envisagé. Pour s'en
sortir, leur unique chance est d'aplanir le terrain. Pour ce, les 3 hommes
ne disposent que de 3 couteaux poignards, 1 encre à glace, 1 long
couteau, 1 grande pelle en bois et 1 petite. La tâche va être
extrêmement difficile.
Amundsen est inquiet. Par sécurité, il diminue les rations
de vivres à 350gr. Durant 3 jours, l'équipage tente de hisser
le N25 sur la banquise sans y parvenir. La seule bonne nouvelle pour eux
est d'apercevoir Dietrichson. Il est là et fait des signes, tout
semble bien se passer.
Le 25 mai, Amundsen sonde la profondeur de l'océan à 3750m.
La
banquise a dérivé et rapproche les 2 hydravions. Le 26 mai,
les hommes du N24 décident de mettre l'appareil à l'abri
sur un plan incliné et rejoignent l'équipage du N25. Amundsen
vient à leur rencontre sur le chenal à bord d'un bateau
pliant. La catastrophe est évitée de justesse lorsque Dietrichson
et Omdal tombent à l'eau. Ils s'en sortiront à l'aide d'Ellsworth
et d'un peu de "gnôle" une fois tous regroupés
dans le N25.
Vu la situation extrême, Amundsen prend rapidement une décision
: il faut abandonner le N24 pour se concentrer sur le N25 et parvenir
à le faire décoller afin de rallier le Spitzberg.
Le soir même, ils obtiennent une grande victoire lorsque enfin à
6, ils parviennent à hisser le N25 sur la banquise.
Partir de la banquise
Le
1 juin ils préparent, pour le soir, une piste d'envol sur une jeune
glace d'environ 30 cm d'épaisseur.
Dans la nuit, la glace cède sous le poids, le N 25 se trouve à
nouveau dans un chenal d'eau. Le brouillard se lève, ils sont obligés
d'attendre, il n'y a plus rien à faire cette nuit.
Il sont épuisés, chacun retourne au sommeil tandis que
Feutch est chargé de remuer l'appareil pour qu'il ne reste pas
prisonnier des glaces.
Quelques temps plus tard, la banquise bouge, le chenal se resserre et
il est moins une que l'avion ne soit écrasé. Finalement,
la nuit se termine sans autre incident.
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Les problèmes pour parvenir à décoller de
la banquise avec leur hydravion sont nombreux : ne pas briser la
glace avec le poids de l'avion, trouver un terrain propice, éviter
les crevasses, se méfier de la mouvance de la banquise
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Amundsen et ses compagnons essuient de nombreux échecs.
Après 23 jours, une lutte de l'extrême s'engage pour
sauver leur vie.
A quatre reprises, ils préparent une piste, déplacent
l'avion et tentent de décoller.
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Ils s'épuisent et réduisent les rations de vivres pour
ne pas en manquer dans le cas d'une retraite.
Le 15 juin l'objectif est enfin atteint, après avoir improvisé
une piste de décollage au milieu de la banquise l'avion décolle.
Il leur reste à parcourir 850 km pour rejoindre le Spitzberg.
Les vivres et équipements ont été réduits
au minimum pour alléger l'avion.
De nombreuses heures s'écoulent et le réservoir d'essence
se vide lorsque enfin il apparaît : "
Soudain, une énorme
calotte de brume accumulée devant nous, fond au soleil, découvrant
une haute montagne tout baigné de clarté. Le Spitzberg,
enfin ! "(Amundsen). Il est alors possible pour le pilote de se poser
sur un plan d'eau sans glace.
Une
fois posés, ils aperçoivent au large un "phoquier",
Le Sjöliv, avec à son bord le commandant Vollan. Ils le rattrapent
avec le N25 et sont recueillis à bord par leurs compatriotes.
Remorqués vers la civilisation, une forte tempête les oblige
à laisser l'hydravion dans la baie de l'Eau-De-Vie (Brandewijne
bay) tandis que les 6 hommes sont menés dans la baie du Roi.
Les membres de l'expédition de G à D :
Omdal, Rïiser-Larsen, Amundsen, Dietrichson, Feucht, Ellsorth
à leur retour dans la baie du Roi.
Le 25 juin après avoir récupéré le N25,
les 6 compagnons prennent la route du retour à bord d'un charbonnier.
Ils arrivent dans le fjord d'Oslo le 4 juillet et leur retour est fêté
dans la capitale le 5 juillet.

Amundsen porté en triomphe à Oslo.
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