LES BASES DERIVANTES EN ARCTIQUE
La stratégie américaine, les îles flottantes
Une découverte stratégique
C'est en 1946 qu'une île de glace d'environ 700 km² est repérée
par la 46ème Escadrille de Reconnaissance Photographique de l'US
Air Force.
Cette découverte est tenue secrète, et porte le nom de Target
X, puis Target 1 et enfin de T1.
Cette même année, le Général Henry Arnold expose
à l'école militaire de West Point, sa conviction de voir
naître " une ligne de défense aérienne au Nord
de l'Amérique, pour protéger des assauts venant de l'autre
côté du Pôle ". Il exprime aussi dans ses propos
la volonté de contrôler l'espace aérien polaire.
Les deux blocs viennent de naître et la guerre froide s'installe.
La première base polaire dérivante américaine
Il
devient donc essentiel de savoir si la banquise du Bassin Polaire peut
servir de piste d'atterrissage, voir de base avancée.
Le premier atterrissage a lieu au printemps 1950. C'est le colonel Bert
Blachen qui se pose sur la banquise avec un bimoteur C47 équipé
de skis.
En février 1951, il est établi à 200 kms au Nord
de l'Alaska la première base sur la glace de la banquise. Un groupe
de huit hommes, sous la direction du capitaine Mike Brinegar, fait fonctionner
la base pendant vingt-deux jours. Le vingt-troisième jour, pris
dans une violente tempête, la banquise se disloque et le camp est
détruit. Les hommes sont rapatriés et sauvés de justesse.
T1, T2 et T3
Depuis la découverte de T1, le déplacement de l'île
est suivi avec régularité. A partir de mai 1950, le lieutenant
Joseph O. Fletcher commandant la 58ème Escadrille de Reconnaissance
Météorologique, et le major Koenig ont à charge d'observer
T1 ainsi que de découvrir de nouvelles îles flottantes. Ces
observations se font à l'aide de radars embarqués dans les
avions de reconnaissance.
Le 21 juillet et le 31 juillet T2 et T3 sont découvertes.
Après l'échec de la première base, les îles
flottantes, jugées insubmersibles par leur taille de plusieurs
centaines de km² et leur épaisseur supérieure à
50 mètres, sont convoitées pour la l'accueil de nouvelles
équipes.
En décembre 1951, le Général Old, du Commandement
de l'Air de l'Alaska, désigne Fletcher pour mener à bien
l'étude de l'établissement d'une base sur l'une des trois
îles.
Les préparatifs
L'île T3 est choisie pour sa localisation au centre du bassin polaire.
La première mission se porte sur la préparation. Le matériel
est testé sur une rivière gelée et les rations alimentaires
sont préparées par les équipes médicales,
avant un embarquement pour Thulé. En tout, ce sont 35 tonnes de
matériel et de vivres qui sont acheminées. Une fois le groupe
technique arrivé sur Thulé, des vols de reconnaissance établissent
le positionnement de T3 par 88° 17' N et 166° 30' O. La deuxième
étape est d'installer un dépôt temporaire d'essence
sur la route aérienne qui mène à T3, permettant un
ravitaillement du C47.
Le départ et l'atterrissage sur T3
C'est le 19 mars que le départ a lieu. Quatre avions décollent,
trois C54 embarquent le matériel tandis qu'un C47 équipé
de skis, piloté par le capitaine Lew Erhart, transporte l'équipe
constituée du photographe Georges Silk, le responsable de l'équipe
Joseph Fletcher, le lieutenant Mike Brinegar et le médecin Kaar
Rodahl.
Le C47 atterrit à 13 heures après un long moment de recherche
de l'île flottante, le radar n'étant pas opérationnel
ce jour là. Les trois C54 ne pouvant pas se poser sur la glace
qui présente trop d'aspérités, le matériel
est parachuté. Puis le C47 décolle vers Thulé avec
le photographe Georges Silk, laissant les trois autres membres.
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Débarquement du
matériel transporté par le C47. |
La
mission
Le travail d'aménagement de la base commence. Après avoir
installé la tente de montagne, une cuisine, un dépôt
ainsi qu'une chambre sont aménagés. Quelques sorties sont
organisées hors du camp afin de repérer une piste d'atterrissage.
Aucune partie de l'île n'est appropriée pour l'atterrissage
d'un C54. Des B29 de la mission Ptarmigan survolent le camp et assurent
par des liaisons radio la transmission des informations au Général
Old.
Le
31 mars, un C47 dépose sur la base le Capitaine Green et le Géophysicien
Crarry. La base est alors baptisée " Ile de glace Fletcher
".
En avril, la base est en pleine activité. 40 tonnes de matériel
y ont été débarquées. Un C54 se pose sur une
piste nivelée par un weasel. Une communication radio permanente
entre l'île et Thulé est établie, la station météorologique
transmet toutes les six heures ses relevés. Les études menées
sur T1 et T3 confirment l'origine terrestre de ces îles. Des restes
d'animaux, de végétaux et de minéraux démontrent
que l'île était rattachée à Ellesmere avant
sa séparation du sol. L'océan arctique est sondé
quotidiennement et des mesures de la couche sédimentaire sont effectuées.
Fletcher quitte la base au bout de trois mois de mission après
avoir accueilli plusieurs scientifiques, laissant une nouvelle équipe
effectuer un hivernage. La base est occupée deux ans, jusqu'au
jour où, face à l'inquiétude de la voir se briser,
elle est abandonnée.
La dérive moyenne fut de 6 à 7 km par jour. Des études
de ce type furent reprises par K Hunkins, W Schwazacher, W J Cromie en
1961.
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