Page d'accueil du site
ACCUEIL AVENTURES RUBRIQUES RECHERCHES LEXIQUE NOUS CONTACTER
Accueil -> Rubriques -> Routes polaires -> A travers ou par dessous la banquise ?

COMMENT ARRIVER AU POLE ?

Lecture pour tous
- Par Charles Rabot
Janvier 1903

Il nous semble intéressant de publier dans son intégralité l’article de Charles Rabot paru en 1903. Cet article conjugue le style du roman d’aventures qui connaît son apogée, l’influence du colonialisme européen et la naissance de l’impérialisme américain et russe.

Tous les ingrédients sont rassemblés pour faire de cette « colonisation » une grande aventure. Le lecteur de l’époque imagine le monde polaire: la banquise inhospitalière, la mer prête à ensevelir les navires, bref la lutte contre les éléments. Si les explorateurs, véritable héros, font reculer les limites de la " Terra Incognita ", ils n’en sont pas moins des humains et le public partage avec lui des sentiments exacerbés : d’angoisse, de joie, d’espoir, de déception, de solitude, dues à la précarité de la vie en isolement.

Cet article est aussi le reflet de la suprématie naissante de la machine sur la nature, prospective qui s’inscrit dans l’idéologie dominante de l’époque, axée sur le contrôle et l’expansion humaine sur l’ensemble de la superficie terrestre.




   
 
A TRAVERS LA BANQUISE OU PAR-DESSOUS ?
par Charles Rabot

Pour vaincre l'obstacle formidable que la banquise polaire oppose aux explorateurs ,et dont il a pu triompher ni l'énergie d'un Nansen [ voir notre dossier ], ni celle d'audacieux explorateurs qui se sont lancés parés lui à travers !e désert glacé, il semble désormais prouvé que le seul moyen est d'avoir recours aux procédés extraordinaires que mettent à notre disposition les progrès de la science. Les dernières expériences tentées en ce genre ont donné d'importants résultats et nous font assister à un épisode singulièrement saisissant de ce duel gigantesque. Peut-être est-il dès à maintenant permis d'espérer qu'une phase nouvelle a commencé dans cette lutte où a déjà été faite une si prodigieuse dépense d'ingéniosité, d'endurance et d'audace.

De toutes les entreprises que fait naître l'esprit d'aventure, aucune n'a suscité plus d'audace, éveillé une plus âpre curiosité que la conquête du Pôle. En effet c'est par excellence la lutte dramatique que ses périls même, rendent passionnante. L'obstacle à vaincre est le plus formidable que la nature ai jamais créé: une banquise large de 1100 kilomètres en sa partie la plus étroite. Encore n'offre-t-elle pas une surface plane et unie comme celle qui recouvre en hiver les lacs de nos régions; elle est bossuée de chaînes de monticules, découpée de vallées et hérissée d'icebergs hauts de plus de cent mètres qui surgissent comme des montagnes au-dessus de collines. Telle serait une terre accidentée où la glace remplacerait le sol. Tout à coup sous le souffle impétueux d'un ouragan, la nappe rigide s'agite en de violentes convulsions. Soulevés par l'effort de l'eau sur laquelle ils reposent, les blocs se heurtent avec une force terrible, s"écrasent avec un fracas effroyable, chevauchant les uns par-dessus les autres et se précipitent en suite en avalanches irrésistibles; soudain un déchirement strident se produit et une nappe d'eau apparaît, que la gelée solidifiera bientôt.

Au cours des expéditions dans l'Océan Polaire, combien de navires furent fracassés et coulés par ces terribles collisions des glaces! Au XVIe siècle, le Hollandais Barents, bloqué autour de la Nouvelle-Zemble, est contraint à un hivernage et obligé d'abandonner son navire dans l'étau glacé qui le retient. En 1777 , sur la côte est du Grönland, 12 baleiniers sont brisés par la banquise et plus de 300 hommes périssent de froid ou d'inanition. En 1873, le Tegetthoff est immobilisé aux environs de la terre François Joseph et, après une détention de 21 mois, doit être abandonné, rivé aux glaçons qui l'enserrent. Enfin, en 1881, a lieu l'épouvantable drame de la Jeannette [ voir notre dossier ]. Le navire, captif pendant deux ans, est défoncé par les glaces et sur 33 hommes que comptait l'expédition, 21 sont engloutis dans l'Océan.

Le drame de l'emprisonnement par les glaces n'a d'ordinaire pour témoins que ses victimes. Toute fois un phénomène de physique très curieux le donne souvent en spectacle aux habitants des régions tempérées. Très fréquemment, en hiver, la mer demeure liquide alors même que le thermomètre est au-dessous de zéro; mais dès qu'elle brise, par l'effet du choc elle se solidifie instantanément. Une gerbe d'eau saute en l'air et il retombe une pluie de glace. Malheur au navire surpris par une tempête dans ces conditions ! les vagues qui déferlent sur lui se congèlent immédiatement et le recouvrent d'une couche de glace dont l'épaisseur augmente à chaque lame, tant et si bien qu'en quelques heures le navire est coulé par le poids de cette surcharge. Pareille catastrophe faillit arriver au transatlantique le " Germanic " en 1899. L'énorme paquebot eut tout juste le temps d'arriver à New-York et n'échappa qu'à grande peine à l'étreinte mortelle de la carapace de glace qui le recouvrait.
 
UN NAVIRE PRISONNIER DES GLACES. - LE GERMANIC EN RADE DE NEW-YORK.

UN RECORD DANS LE DÉSERT DE GLACE. - TRIPLE ASSAUT TROIS FOIS REPOUSSÉ.

Pour s'ouvrir une brèche à travers cette épaisse muraille, plus résistante que les plus solides maçonneries, les explorateurs ont dépensé des trésors de courage et d'ingéniosité. Lançant leur navire comme un bélier, aux prix d'efforts surhumains, ils arrivaient à grande peine à gagner quelques kilomètres, et puis finalement devaient s'arrêter devant le rempart incompressible.
C'est alors que Nansen conçut cette idée géniale de s'abandonner dans un solide navire à la lente dérive du courant qui pousse les glaces vers le Pôle. Utilisant pour l'accomplissement de son dessein les forces de la nature, il arrive à une très haute latitude, puis, dans un élan d'héroïsme, avec un seul compagnon et quelques chiens, il s'enfonce dans l'effrayant désert glacé; alors que toutes les expéditions n'avaient pu vivre que quelques semaines dans cette solitude morte, il trouva le moyen d'y habiter quatorze mois. Grâce à son endurance exceptionnelle, l'audacieux norvégien remporte une victoire extraordinaire. S'il n'atteint pas le but suprême, il a la gloire de s'en être approché d'une façon inespérée et d'avoir pris sur ses devanciers une avance considérable.


Le "Fram" pris dans les glaces
  Ce succès sans précédent enflamme l'ardeur des combattants. Encore un effort aussi puissant, la victoire; semble certaine. A Nansen succède un prince du sang, marin consommé et alpiniste audacieux, le duc des Abruzzes, petit-fils de l'intrépide soldat que fut Victor-Emmanuel. Le duc part pour la terre François- Joseph ; il dispose d'un solide baleinier, d'une meute de 150 chiens et d'une troupe de vaillants guides des Alpes, fidèles compagnons de ses périlleuses escalades. Il parvient à la terre la plus septentrionale de l'archipel, lorsque le navire est à moitié éventré dans un abordage avec un formidable glaçon. Les explorateurs n'ont d'autre ressource que de passer l'hiver sous de frêles tentes. Le duc des Abruzzes s'expose, comme le plus humble matelot et, en donnant l'exemple, il a une main gelée pendant une tempête. Aussi, lorsqu'une fois la longue nuit hivernale passée, les explorateurs s'élancent vers le Pôle, doit-il demeurer au camp et laisser à son second, le capitaine Gagni, l'honneur de tenter l'assaut suprême.

Le 11 mars 1900, Gagni se met en marche. La banquise n'est qu'un hérissement fantastique de blocs; n'importe, grâce à la force des meutes, on réussit à avancer. On atteint la latitude à laquelle Nansen a dû s'arrêter, on la dépasse, et l'on continue à avancer . Le record du célèbre Norvegien qui semblait ne pouvoir être dépassé, est battu. On n'est plus qu'à 320 kilomètres du Pôle. Encore un mois d'effort, et le but suprême sera atteint. Hélas! les vivres font défaut, la retraite est commandée par la disette. Elle fut terrible. Le 23 juin seulement, Gagni rejoignait le reste de l'expédition. Des 104 chiens qu'il avait au départ, il en ramenait 7. Plût au ciel qui n'eût pas eu d'autres pertes à déplorer! Hélas! une escouade de trois hommes s'était perdue dans les glaces et dans les brumes, engloutie sans doute dans quelque crevasse. Le Pôle avait fait trois nouvelles victimes.

A peine le duc des Abruzzes est-il rentré en Europe, que l'Américain Baldwin le remplace à la terre François-Joseph. Mais, cette fois, ce n'est plus la compacité de la banquise qui arrête les voyageurs: elle est au contraire toute disloquée, et sur ce terrain mouvant il est impossible d'avancer.

Pendant ce temps, dans une autre région, le Pôle était assiégé non moins énergiquement. Par le bras de mer qui sépare le Grönland de l'archipel polaire américain, le Norvégien, Sverdrup, le second de Nansen, et l'Américain Peary [ voir l'article de 1909 ]donnaient l'assaut aux banquises. Quatre ans durant, sans jamais se laisser rebuter, ils bataillèrent contre les glaces, l'un avec l'invincible " Fram " de Nansen, l'autre au moyen de traîneaux et, quatre années durant, ils demeurèrent au milieu de cette solitude effroyable , cherchant de tous côtés, par d es froids de 50 degrés, le défaut de la cuirasse glacée. Tant d'efforts héroïques ont été vains, et le Pôle demeure toujours inaccessible.

Aussi les explorateurs arctiques ont-ils songé à employer les moyens extraordinaires que le génie de l'industrie moderne a enfantés. Andrée [ voir notre dossier ]a le premier osé employer le ballon, Cette folie héroïque a abouti à une catastrophe et démontré que, de longtemps encore, on ne pourra atteindre au Pôle par-dessus la banquise; il ne reste donc que deux moyens à tenter; passer à travers la banquise ou passer par-dessous, c'est-à-dire, soit employer le brise-glace, soit recourir au sous-marin.
 
Le projet de M. Baldwin
A yant réussi à atteindre la Terre françois-Joseph, M. Baldwin fut arrété par la disslocation de la banquise. L'explorateur américain compte renouveler sa tentative, en emportant, pour pouvoir donner de ses nouvelles, de petits ballons auxquels seront suspendus des bouées conteants des dépêches.

   


COMMENT ARRIVER AU POLE ?
A travers ou par dessous la banquise Bélier d'un nouveau genre Plongeon formidable

Retour aux routes polaires Les coupures de presse Haut de la page
ACCUEIL AVENTURES RUBRIQUES RECHERCHES LEXIQUE NOUS CONTACTER
TRANSPOL'AIR © 2012 - Tous droits réservés    •    Qui sommes-nous ?
Hit-Parade