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COMMENT ARRIVER AU POLE ?

Lecture pour tous
- Par Charles Rabot
Janvier 1903

   
 
BÉLIER D'UN NOUVEAU GENRE. - BROYEE PAR UNE FORCE IRRÉSISTIBLE
par Charles Rabot


Le brise-glace est un navire capable de s'ouvrir de vive force un passage à travers les banquises. Le type en a été réalisé par l'amiral russe Makarov. Le bâtiment construit par l'ingénieux marin est un véritable bloc d'acier divisé en compartiments étanches pour qu'il puisse continuer à flotter si un choc ouvrait par hasard une voie d'eau. C'est une suite de cellules toutes fermées par des cloisons qui ne laissent pas filtrer la moindre goutte d'eau.

Ce qui distingue la conception de Makarov de celle de Nansen, c'est que le navire russe, muni d'une machine extraordinairement puissante, est un instrument offensif, tandis que le fameux navire norvégien ne pouvait opposer à l'assaut des glaces que la défense. Le " Fram " pouvait recevoir sans dommage les coups les plus violents, mais il ne pouvait en donner: c'était un bouclier. Le navire de Makarov, lui, est une pièce d'artillerie, une arme qui envoie des projectiles et qui est elle-même protégée.
Ce brise-glace a été baptisé " l' Ermack", du nom de ce hardi Cosaque qui, en conquérant la Sibérie, a ou vert à la Russie les portes de l'Asie : nom symbolique et bien choisi, car , lui aussi, par son invention, Makarov a ouvert à l'empire des tzars un nouveau domaine. Pour expérimenter son navire, Makarov choisit la banquise qui en hiver ferme l'accès de Cronstadt. C'était en mars, à l'époque où tout le golfe de Finlande est emprisonné par une lourde carapace cristalline. Si stable et si épaisse est cette banquise que des villages temporaires de pêcheurs y sont établis; Sans aucune difficulté, "l'Ermack" arrive à l'entrée du golfe, où il se heurte aux premières glaces, avant-garde de la banquise.
A travers la brume qui enveloppe ces parages, elles n'ont pas l'air bien rébarbatif, et semblent de grandes mouettes
 
L'Ermack
  nageant à la surface de la mer; elles mesurent pourtant une épaisseur de 60 à 80 centimètres, plus du double de la largeur d'un gros mur en maçonnerie. Lancé à toute vapeur, "l'Ermack" passe à travers ces blocs comme un couteau dans une motte de beurre.
On n'éprouve même pas un choc, à peine une vibration dans la coque.

Ce ne sont là que des escarmouches préliminaires. Bientôt il faut aborder la véritable banquise, un agrégat de glaçons épais de 2 ou 3 mètres. De sa puissante étrave métallique le vapeur donne de terribles coups de bélier; un bruit sourd d'écrasement roule comme un tonnerre lointain; des blocs soulevés, concassés, retombent les uns sur les autres, dans un crépitement fulgurant. -Partout sous l'attaque, l'obstacle est brisé, défoncé, démoli. Si la muraille ne cède pas au premier assaut, "l'Ermack", pareil à un lutteur, recule, prend de l'élan, et du second coup renverse tout devant lui. La victoire est désormais certaine et, pour l'assurer -plus complètement, Makarov s'en va foncer sur un glaçon épais de 7 mètres. Du premier choc, le bloc formidable est disloqué. Au milieu de la banquise, "l'Ermack" s'ouvre ainsi une route triomphale et finalement entre dans le port de Cronstadt, aux acclamations de ses habitants qui désormais, grâce à cette victoire remportée sur la nature, sont libérés du long emprisonnement des glaces.

NAVIRE LIBÉRATEUR. - SAUVETAGE D'UNE FLOTTE EN PERDITION.

  Quelques jours plus tard, l'importance des services que peut rendre "l'Ermack" était démontrée encore plus brillamment. Sur l'autre rive du golfe de Finlande, une flotte de seize vapeurs prisonniers dans la banquise courait le danger de couler bas, Immédiatement le navire libérateur part, s'ouvre un passage et vient 'attaquer les glaces, La banquise est épaisse de 6 à 7 mètres, A toute vitesse "l'Ermack" heurte la muraille, L'abordage est tellement violent qu'une partie de la nappe glacée saute, disloquée, réduite en miettes: du premier coup un des captifs se trouve délivré. Trois autres vapeurs sont en très grand danger, menacés d 'un côté par les glaces et de l'autre par des récifs, Quatorze fois "l'Ermack" charge à fond; il n'est plus qu'à une centaine de mètres des navires, lorsque la nuit survient, la large et épaisse nuit du nord.

Aussitôt les puissants projecteurs électriques sont allumés et soudain jaillit une lumière crue, aveuglante, sur la nappe blanche. C'est un éblouissement féerique, un scintillement extraordinaire, une blancheur de paysage lunaire, et sous cette clarté irréelle l'Ermack continue son oeuvre libératrice. En quelques semaines, Makarov ne sauva pas moins de 82 navires en perdition, arrachant à une mort atroce plusieurs centaines de marins. C'est le plus bel éloge qu'on puisse faire de sa merveilleuse invention.

DÉFI JETÉ AU GÉANT DU NORD - CHOCS FURIEUX DES COMBATTANTS.

Ce brillant succès ne satisfaisait pas cependant l'intrépide amiral; pour prouver invulnérabilité absolue de son navire, il rêvait d'exploits encore plus extraordinaires) et l'été suivant il allait attaquer la formidable banquise polaire du Spitzberg septentrional, ;devant laquelle tant de navires avaient , jusqu'alors été contraints de reculer. Représentez-vous une muraille épaisse d'une vingtaine de mètres, et même davantage, et vous vous rendrez compte de la résistance de l'obstacle que l'Ermack va tenter de renverser.  
Pose sur la banquise
Les premières glaces dépassées, commence une lutte épique. Tantôt le vapeur fonce à toute vitesse; tantôt, s'appuyant contre un champ de glace, il le repousse devant lui, et l'écrasé contre ses voisins. Sous l'assaut, la banquise se tord en convulsions.

N'importe! l'Ermack avance toujours, lentement, très lentement même: sa vitesse ne dépasse pas 3 kilomètres à l'l1eure à travers cet amoncellement; c'est comme s'il s'ouvrait un passage dans l' épaisseur d'une maçonnerie. Sur ces entrefaites, dans un choc plus terrible que les autres, un glaçon dur comme un roc défonce une plaque d'acier de la coque; immédiatement une voie d'eau se déclare.

En pareille occurrence tout autre navire eût rapidement sombré; à bord de l'Ermack l'accident fut un simple incident. Un compartiment fut rempli d'eau, voilà tout. Après deux jours de travail, le trou était bouché, la cellule vidée et le bâtiment reprenait sa marche. Une autre fois, les glaces devinrent à leur tour assaillantes; sous la poussée des vent~ et du courant, elles vinrent battre furieuseli1ent l'Ermack, mais leurs attaques demeurèrent vaines, les blocs s'écrasaient contre la coque sans pouvoir l'entamer. L'Ermack parcourut 200 kilomètres. Après une telle victoire, le succès définitif ne semble plus dépendre que d'une question de ravitaillement. En effet, un pareil monstre consume par jour une quantité considérable de charbon pourra-t-il prendre un approvisionnement suffisant pour parcourir les 800 kilomètres qui séparent le Spitzberg du Pôle?

Tels sont les termes dans lesquels se pose maintenant le problème.
Mais, sous un autre rapport, la construction de l'Ermack est le point de départ d'une véritable révolution militaire et économique.
Bordée par des mers couvertes de banquises pendant plus de quatre mois, la Russie était jusqu'ici captive dans l'intérieur des continents, désormais, hiver comme été, ses cadres et ses flottes de commerce pourront librement entrer et sortir .

   


COMMENT ARRIVER AU POLE ?
A travers ou par dessous la banquise Bélier d'un nouveau genre Plongeon formidable

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