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IVAN DMITRIEVITCH PAPANINE

274 jours de dérive


L'île de glace est entourée d'un canal large de 10 à 20 mètres. La banquise sur laquelle sont installés les explorateurs supporte un lac très profond. Sous leur camp, l'épaisseur de la glace est de 3,10 m. Une tente pour les études magnétiques est montée. Une cuisine de glace est construite équipée de deux réchauds à pétrole. La réserve alimentaire, vestimentaire et pétrolière est séparée en trois magasins, afin d'éviter une perte totale en cas d'écartement de la banquise. Des réfrigérateurs sont creusés dans la glace pour garantir les réserves de viande et de poisson frais, que les rayons du soleil arrivent cependant à abîmer en surface.

Les relevés scientifiques commencent dès le 6 juin. La profondeur de l'océan est de 5.210 mètres et la position de la banquise est 88 ° 54 ' N et 20 ° O. Le 11 juin, après avoir soufflé en violentes bourrasques, le vent s'arrête et la température, sous les tentes, monte jusqu'à + 24 ° C. Le vent du Sud-Ouest pousse la banquise dans la direction Nord-Est et la fait s'approcher du méridien de Greenwich.

Au même moment, à Moscou, Chkalov (Voir notre article) s'apprête à effectuer un vol sans escale Moscou-Amérique par le pôle Nord (soit environ 10.000 km). L'équipe de la banquise est chargée de lui transmettre des informations météorologiques. Chkalov, à bord de son appareil, passe au-dessus d'eux, mais sans les voir à cause du temps couvert. Le 20 juin, les compagnons apprennent que Chkalov a atterri à l'aérodrome militaire de Vancouver aux Etats-Unis. A peine cet exploit est-il réalisé, que Gromov (Voir notre article) survole le pôle Nord à bord d'un N25 et relie Moscou à San Jacinto, en Californie, établissant un record de distance mondial. Il ne survole pas la station pôle Nord, empruntant certainement une route plus directe.

Le poste T.S.F. relie en permanence les quatre hommes à la base de l'île Rodolphe et à Moscou. Il fonctionne grâce à l'anémotrope installé sur la banquise et qui fournit l'électricité nécessaire grâce au vent. Sans lui, et malgré la dynamo à manivelle, la station radio se trouverait réduite au minimum. Quatre fois par jour, Ernest Krenkel, transmet des bulletins météorologiques concernant le bassin polaire central. Les quatre hommes reçoivent régulièrement des messages d'encouragements de leurs concitoyens, des nouvelles des membres de leurs familles, les informations et les retransmissions de concerts. L'opérateur radio est assiégé de questions provenant du monde entier. Il établit des contacts avec des Russes, Français, Américains, Hollandais, Anglais, Irlandais, Suédois et même un Australien du Sud, malgré la puissance de la station équivalente à celle d'une ampoule électrique moyenne, soit 25 Watts. Les explorateurs rédigent de nombreux articles, envoyés par radio et destinés aux chercheurs soviétiques ou aux journaux. Dans leurs documents écrits comme dans leurs conversations, ils ne cessent prouver leur dévouement à Staline.

Les explorateurs analysent des échantillons de fonds marins, et effectuent des analyses hydrochimiques des échantillons d'eau. Ils établissent que les eaux Atlantiques découvertes par Nansen à des latitudes plus méridionales affluent également dans la région voisine du Pôle et attiédissent sensiblement la température de l'Océan Glacial Arctique.
Les compagnons établissent que la couche d'eau près des fonds marins est plus chaude que celle située entre 2.000 et 4.000 mètres grâce à la chaleur de la croûte terrestre qui la réchauffe. C'est la première fois que cette découverte est faite dans l'Océan Glacial.

Le 24 juillet, la position est 88° 03' N et 6° E. Au fur et à mesure de la dérive, la profondeur de l'océan augmente.
Pendant la première décade de mai la vitesse de la dérive est mesurée à 4 milles par 24 heures, pour seulement 1 mille et demi par jour en juin et juillet.

Les explorateurs aperçoivent des guillemets, des ours et des pétrels, ce qui confirme l'existence d'une vie animale même dans un milieu aussi hostile. Des échantillons d'algues et de plancton sont relevés lors des études de fonds marin et notamment sur le matériel servant à mesurer la profondeur de l'océan.

Début août, le vent pousse la banquise vers le Sud-Est. Le 12 août, la tempête se lève : la vitesse du vent atteint 12 mètres à la seconde. La position est 87 ° 20 ' N.

Lévanevski à bord d'un quadrimoteur vient de quitter Moscou, il survole le pôle Nord, puis la liaison radio est perdue. Le 14 août, Vodopianov, Alexéïev et Molokov partent à sa recherche. Ils ont besoin que les compagnons de la banquise préparent des pistes d'atterrissage pour accueillir leurs avions car ils ont décidé d'utiliser la banquise en dérive comme base de recherche. Ce long travail est effectué mais ne servira pas.

Malgré parfois un calme plat du vent, les explorateurs remarquent que la banquise continue à progresser, ils prouvent donc que la dérive ne dépend pas uniquement du vent. Ils observent un autre phénomène : après une dérive particulièrement rapide, un autre courant en sens inverse se forme à la profondeur de 50 à 70 mètres.

Le 19 août, la quantité de nourriture consommée est moindre que prévue : un bidon calculé pour 10 jours sert pendant 15. Ils peuvent donc rester en tout plus d'un an. Ils ont du combustible pour deux ans et des réserves de fourrures.

Début septembre, la position de la banquise est 86 ° 04 ' N. La nuit polaire s'annonce et les explorateurs prévoient le passage à l'habitation d'hiver. Les tentes sont remplacées par des maisons de briques de neige. La tente d'habitation est recouverte d'un duvet d'eider et une toile imperméable. Les explorateurs craignent sans cesse un resserrement des glaces. La crevasse mesure près de 300 m de large, atteignant même 500 m à certains endroits. Le 13 septembre la profondeur de l'océan est de 3.767 m. Le gouvernement leur fait savoir qu'il compte envoyer des brises-glace pour les récupérer au lieu des avions initialement prévus. Les explorateurs ne sont pas pressés de partir. Le travail scientifique est très important. Plus ils resteront longtemps, plus il pourra être vaste et précis.

Il est définitivement établi qu'un contre courant provoqué par la dérive des glaces existe à des endroits différents de l'Océan Glacial Arctique.

Le 14 octobre, il fait - 32 ° C. Un relevé des températures révèle des écarts pouvant atteindre 10 degrés en une journée. La profondeur de l'océan marque des oscillations sensibles et la banquise se rapproche de plus en plus du Groenland.

Les explorateurs établissent qu'à la fin de l'été, lorsque la neige qui recouvre la glace se met à fondre, la couche supérieure de l'eau devient accessible à la lumière du soleil, ce qui permet la floraison du phytoplancton.
De nombreuses mesures magnétiques sont effectuées par Fédorov (les premières en Arctique), qui auront une importance pratique lors de l'aménagement de lignes aériennes trans-arctiques.

Par la radio, les explorateurs apprennent que la maquette de leur tente à obtenu le premier prix à l'Exposition Universelle de Paris.

Le 1er décembre, leur position est 82 ° 46 ' N. Depuis le début, ils se sont éloignés de 800 km du pôle Nord. En se rapprochant du Groenland, les explorateurs se préparent à un éventuel resserrement des glaces et chargent des traîneaux dans le cas d'un départ en urgence. La tension nerveuse augmente. Le 5 décembre, la banquise a parcouru 1.230 km. Le 26 janvier, la profondeur de l'océan n'est que de 162 m et les compagnons craignent que la banquise s'enlise. La baleinière Mourmansk s'apprête à patrouiller dans la mer du Groenland et le brise-glace Taïmyr quitte Mourmansk transportant des avions à son bord.

Début février, la banquise rétrécit puis éclate en plusieurs morceaux. La superficie de leur territoire n'est plus que de 30 m sur 10. Les explorateurs s'installent provisoirement dans des tentes de soie avant de construire un nouvel abri en briques de neige. Ils distinguent au loin les côtes du Groenland, et le 12 février, la lumière des projecteurs du Taïmyr. Ils se remettent à aménager leur aérodrome. Le 15 février, leur position est 71 ° 13 ' N, et le lendemain, l'aviateur Vlassov se pose sur la banquise pour leur apporter courrier, bière et mandarines.
Les navires se rapprochent et le 19 février, les quatre hommes entament leur dernière nuit à la station polaire. A 2 heures, les équipages du Taïmyr et du Mourmansk débarquent sur la banquise. L'émotion est grande. Pour l'occasion, les compagnons ont pris le temps de se raser, mais ne sont pas lavés le visage depuis le 1er janvier et le reste du corps depuis leur départ.

Après 274 jours de dérive, les explorateurs quittent la station pôle Nord, laissant seul le drapeau de l'U.R.S.S., qui continuera à dériver avec la banquise jusqu'à ce qu'elle fonde.




Sources iconographiques :
L'illustration - 12 mars 1938 - N° 4958
Sur la banquise en dérive - I. Papanine - Edition Albin Michel - 1948

Nous remercions Alexandre Savine pour son aide.
http://hep2.physics.arizona.edu/~savin/ram/



La grande aventure de Papanine : Coupure de Presse :
Ivan Dmitrievitch Papanine (1894 -1986) • La belle aventure de la station Pôle Nord
Les préparatifs de la grande aventure • Photos reportage
274 jours de dérive Voir aussi :
Les découvertes scientifiques • Vols russes - Une station et deux vols transpolaires
Après l'exploit • Les bases dérivantes en Arctique


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