Premier hivernage en Antarctique
Pour l'équipage, il faut désormais se préparer à
se laisser dériver et à hiverner. Le 17 mars, la nuit polaire
s'installe et la température diminue. Les explorateurs deviennent
les premiers hommes à hiverner sur la banquise Antarctique. Ils
aménagent le navire qui n'est pas équipé pour faire
face à l'hiver : la neige est élevée en talus jusqu'au
niveau du pont ; une toiture est construite pour recouvrir une partie
du pont qui se transforme en hangar où sont installés la
forge et le distillateur d'eau et qui fait également office de
vestiaire pour entreposer les skis et raquettes ; les vivres sont déplacés
de la cale à l'arrière de la chambre des machines à
tribord ; un trou est aménagé pour sonder et pêcher.
Le 26 mars la chaudière du navire est arrêtée. Les
tensions de la glace risquent, à tout moment, d'écraser
le navire.
La nourriture, apportée en grande quantité, n'est pas très
variée. Du pain frais est cuit tous les jours grâce à
la farine stérilisée. Les manchots et les phoques fournissent
l'appoint en viande fraîche. Chacun s'occupe pendant huit heures
par jour. Pendant que l'équipage veille à la propreté
et au bon état du navire, fait les corvées, pompe l'eau
dans la cale qui s'infiltre par la coque en bois, et aide aux sondages,
au dépeçage et à l'empaillage des animaux, l'état
major se livre à diverses observations : vents, courants, profondeurs,
analyses de l'eau de mer et de la température de l'eau, pêches
pour fixer les caractères de la faune marine, météorologie,
magnétisme, étude de la banquise. Tous les hommes pratiquent
régulièrement le ski.
Vers la mi-mai, le navire atteint 71° 36' S, et la nuit polaire débute
le 17 mai. Les hommes, privés de la lumière du jour, deviennent
vite irritables et dépressifs. Cet état s'aggrave après
le décès de Danco le 5 juin 1898, des suites d'une maladie
cardiaque.
Tous les membres de l'équipage souffrent d'anémie polaire.
Le docteur Cook est très occupé, d'autant que le scorbut
se manifeste. Cook prescrit un régime de viande de phoque et de
manchot à tout l'équipage, et demande à de Gerlache,
qui trouve cette viande immangeable, de montrer l'exemple.
Le
21 juillet, le soleil est de retour, mais la température descend
quand même à - 37° et la banquise est encore épaisse
de deux mètres. Les observations et travaux de recherche peuvent
reprendre.
Une expédition de Cook, Amundsen et Lecointe confirme l'impossibilité
de la Belgica de se dégager vers le grand large. La menace d'un
second hivernage pèse sur l'équipage. En août, la
température moyenne de - 11° chute en septembre, pour atteindre
le minimum de toute l'expédition : - 43°. A partir du 23 septembre,
il commence à dégeler et l'équipage déblaie
le navire. Les chances de délivrance s'amenuisent et l'inaction
atteint le moral des hommes. Le 31 décembre, à 70° 03'
S, un lac d'eau libre est aperçu à 700 mètres du
navire.
L'espoir
renaît et les hommes, dès le 12 janvier 1899, équipés
de scies, de pioches et de poudre explosive, se relaient jours et nuits
pendant un mois pour découper un chenal long de 650 mètres.
Le 22 janvier, le canal atteint 400 mètres de longueur. Fin
janvier, les hommes ne sont plus qu'à 30 mètres du navire,
mais le vent tourne et les bords du chenal se resserrent. Les vivres qui
commencent à être rationnés restent suffisants pour
tenir 13 ou 14 mois, mais le navire ne résistera peut-être
pas, et quatre des compagnons ne supporteront pas une seconde nuit polaire.
Le 15 février, les glaces bougent et le passage s'écarte
à nouveau. Le moteur en marche, la Belgica avance mètre
par mètre, tirée par les hommes à terre. Il reste
encore 10 km de banquise avant la mer libre et il faut un mois pour l'atteindre
un canal a été construit.
Le 14 mars 1899, le navire parvient à rejoindre le large, après
13 mois d'emprisonnement et une dérive de 1.700 milles.
Sources iconographiques :
Le Tour du Monde
Journal des Voyages et des Voyageurs
Librairie Hachette et Cie année 1901
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