140 jours de marche sur la glace
L'expédition sur la banquise
La Jeannette coulée, il faut désormais préparer
l'expédition sur la banquise. Malgré la difficulté
de la situation, les hommes extrêmement occupés par cette
tâche, n'ont pas le temps de démoraliser. Le 18 juin le départ
est donné pour une longue marche sur la glace vers la Sibérie.
Les 33 hommes de l'expédition, accompagnés de 23 chiens,
emportent 60 jours de vivres, des embarcations (2 cotres et 1 baleinière)
et plusieurs traîneaux.
L'équipage sur la banquise.
Extrait de la série Tour Du Monde 1884. |
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Sur le parcours, la neige molle, les trous, les crevasses et les blocs
de glace rendent difficile la progression des hommes qui doivent fournir
d'immenses efforts. Il faut faire plusieurs aller-retours pour permettre
à tous les traîneaux de passer. Lorsque les traîneaux
se renversent, il faut les recharger. Des efforts inouïs pour une
progression de quelques mètres. La débâcle qui fait
fondre la glace, la pluie et le brouillard s'ajoutent aux difficultés.
Par ses calculs de position, De Long s'aperçoit vite que cette
marche vers le Sud, si lente, l'est bien plus encore puisque la banquise
sur laquelle ils se déplacent dérive vers le Nord-Ouest.
Il informe Melville et Ambler de la triste nouvelle, mais la cache aux
autres membres de l'équipage, pour ne pas les décourager.
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Des efforts inouïs pour une progression de quelques
mètres banquise.
Extrait de la série Tour Du Monde 1884. |
Mi-juillet, une terre est en vue. La difficile progression reprend. Un
traîneau chargé de 120 kg de pemmican tombe à l'eau.
Les hommes s'approchent tout près de l'île, mais la banquise,
dans un formidable élan de dérive, les en écarte.
Enfin, le 29 juillet 1881, l'équipage touche terre et De Long prend
possession de l'île Bennett - située à 77° 15'
de latitude Nord - au nom du Président des Etats-Unis.
Début août, les hommes quittent l'île Bennett à
bord de deux cotres et d'une baleinière, emportant les quatre derniers
traîneaux - sept ont été abandonnés, d'autres
ont été perdus.
Les deux cotres et la baleinière.
New York Herald 3 mai 1882. |
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A bord sont chargées les dernières réserves de
vivres : pemmican, alcool, Liebig, boîtes de conserve, et jus de
citron. Par manque de place sur les embarcations, il faut exécuter
six chiens sur les huit encore vivants. La progression tantôt en
bateau, tantôt à traîneau est lente. Les réserves
alimentaires s'épuisent rapidement, malgré la chasse qui
fournit parfois de la viande de pingouins et de phoques. Il n'y a plus
de pain, ni thé, ni sucre, ni jus de citron, ni tabac. Les traîneaux
servent à faire du feu pour économiser l'alcool.
Le 30 août, après 25 jours de marche, les compagnons débarquent
sur l'île Faddéïef, une des terres de l'archipel de
la Nouvelle-Sibérie, puis sur l'île Kotelnoï et sur
l'île Semenof. Il ne reste qu'un seul chien. Le 12 septembre, avec
7 jours de vivres, les hommes s'élancent vers le delta de la Lena
à bord de trois embarcations, mais une violente tempête les
sépare.
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La séparation.
Extrait de la série Tour Du Monde 1884. |
La séparation des hommes
La
baleinière de Melville et le cotre de Chipp ayant disparu, l'équipe
de De Long gagne seule le rivage de la Sibérie le 17 septembre.
Avec seulement trois jours et demi de ration, il faut absolument rallier
au plus vite un établissement russe. Le 19 septembre, pour accélérer
sa marche, les quatorze hommes (De Long, Ambler, Ericksen, Alexey, Nindemann,
Lee, Boyd, Görtz, Kaack, Noros, Iversen, Dressler, Ah-Sam et Collins)
se débarrassent de leur équipement le plus lourd. Alcool,
fourneaux, longues-vues, tentes, sont laissés sur la glace. Le
21 septembre, après 100 jours de marche et une dernière
boîte de pemmican ouverte, les hommes découvrent deux huttes.
Ils décident d'y rester quelques jours pour se reposer - certains
ont les pieds gelés - et pour faire le plein de viande fraîche.
D'après les estimations du Capitaine, les chances de secours sont
faibles. La première station doit se trouver à 56 km et
le premier lieu habité à 140 km, or il ne reste que 3 jours
de vivres. Le 24 septembre, nouveau départ. Des traces de pas découvertes
sur la neige laissent espérer à De Long que Melville et
Chipp arriveront avant eux et leur enverront des secours. Erickson va
très mal. Ses pieds se gangrènent et ses orteils doivent
être amputés. Il faut désormais le porter ou le traîner.
Le 1er octobre, en traversant un bras de la rivière gelée
la Léna, 3 hommes tombent à l'eau. Les risques de gelure
sont importants, d'autant qu'il n'est pas toujours possible de faire du
feu. Début octobre, les hommes doivent rester abrités quelques
jours dans une cabane, afin de ne pas subir une violente tempête.
La nuit, la chaleur des corps fait fondre la glace et les hommes se réveillent,
baignant dans l'eau gelée. Sans réserve de vivres ni possibilité
de chasser, le dernier chien est sacrifié pour nourrir les hommes.
Le 6 octobre, Ericksen gagné par la gangrène décède.
Son corps est descendu dans l'eau glacée.
La recherche de secours
Une nouvelle fois, De Long établit la position. Il pense se trouver
sur la rive orientale de l'île Tit-Ary, à 25 milles de Kau
Mark Sourka, dernier espoir.
Les hommes sont épuisés et malades. Aussi, le Capitaine
décide-t-il d'envoyer ses deux hommes les plus forts à la
recherche de secours. Le 9 octobre, Nindemann et Noros emportant une couverture,
une carabine, des cartouches et 2 onces d'alcool, partent seuls. Les autres
continuent à avancer doucement, exténués, se nourrissant
d'une cuillère de glycérine ou mangeant leurs bottes. N'ayant
plus de chaussures, ils entourent leurs pieds de morceaux de toile de
tente pour continuer à avancer. Le 17 octobre, Alexey décède.
Quatre jours plus tard, c'est au tour de Lee et de Kaack. Le 28 octobre,
mort de Iversen ; le 29 de Dressler ; le 30 de Boyd et de Görtz.
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