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FEMMES INUIT
TEMOIGNAGE D'UNE RENCONTRE

COMMUNAUTE INUIT DU NUNAVIK
DANS L'ARCTIQUE QUEBECOIS
DU 18 SEPTEMBRE 2002 AU 28 FEVRIER 2003

Regard

Il y a ce regard de celui qui t'accueille, puis le bonjour posé avec tout autant de tranquillité, et surtout il y a cette quête de ce que la langue ne dit pas, de tout ce que le " oui, ça va " ne transmet pas. J'ai été souvent surprise que l'on puisse me renvoyer un état d'esprit émotionnel que je croyais pouvoir dissimuler facilement. Une sensibilité, quelque chose de l'ordre d'un instinct très aiguisé. Face à des gens qui prennent le temps de te regarder, tu es dans le vrai de la rencontre. C'est cela qui m'a touché et j'ai appris à le développer.

Le 24 décembre 2002
" Elles ont un cœur qui n'écoute pas la langue que l'on parle
mais plutôt le message des yeux qui en dit long. "

 


Tolérance

Si les portes des habitations ne sont jamais fermées (sauf la nuit), c'est pour que celui à qui on a dit une fois " bienvenue " le soit alors indéfiniment à toute heure de la journée. A moi la Blanche, l'étrangère, je n'aurais pu compter le nombre de fois où l'on m'a dit : " feel welcome ", " come back when you want ".

Quand je regarde avec quelle tolérance ils m'ont acceptaient chez eux, dans leur quotidien, au cours des séances de pêche, au sein de leur structure de travail, au sein de leur fêtes, c'était là la plus belle preuve de tolérance, que d'avoir supporter le regard de celle qui observe, qui se questionne, qui veut comprendre. Cela, ils l'ont acceptaient, et ils l'acceptent quotidiennement puisqu'une quarantaine de Blancs vivent à Salluit. Mes gestes ou paroles déplacés, ils en ont souri, me les ont pardonnés ou les ont oubliés.

Je me souviens avec tendresse d'une leçon de civilité inuit donnée par Quppia. Voisine de pallier, elle m'avait dit, quelques jours après mon arrivée, de passer la voir. Un soir, je vais frapper à sa porte. Sans réponse, je m'apprête à repartir quand elle ouvre la porte, me fixe du regard puis me dit ainsi : " Je vais t'apprendre à visiter les familles inuit…

Observe mes gestes et fais comme moi ! ". Puis, faisant semblant d'arriver, elle commente ses actions : " Je rentre, je ne frappe pas…j'enlève mes chaussures, je dis bonjour à la ronde, je m'installe là où il y a de la place. Si j'ai faim, je mange. Si j'ai soif, je bois. Je parle si j'ai envie et je m'en vais quand je veux. Enfin, je fais comme si j'étais chez moi. Compris ? "

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Partage

L'activité principale pour les femmes est de se rendre visite. Certaines m'ont fait la remarque : " Il n'y pas beaucoup de choses à faire ici, comparée au Sud, alors on se visite. " Au-delà de l'activité en elle-même, je crois qu'il y a une notion forte de partage, quels que soient l'âge et le statut.
L'exemple en est du centre communautaire, lieu de réunion pour le village où se déroulent toutes les grandes manifestations au cours de l'année. J'ai assisté à un festival de musique religieuse dédiée à David (figure de la Bible), à une semaine de formation d'artistes venus de tout le Nunavik, aux fêtes de Noël (du 24 décembre au 2 janvier) dont la messe de minuit le 31 décembre, à un marché aux puces et à deux grands repas communautaires. Une grande partie du village était présente, de l'enfant à l'aîné. Entrant et sortant librement, chacun avait sa place.

Partage d'un repas avec la famille Kaitak, le 28 septembre 2002
" Je mange par terre avec eux, " pour que tout le monde soit au même niveau ",
puis j'ai le plaisir de mettre un enfant dans l'amauti (manteau pour porter les enfants),
puis enfin je goûte à un poisson cuisiné par la mère de Quppia…

je plonge la main dans la marmite et je tombe sur l'œil,
puis je suce mes doigts de bonheur, dans le bouillon de gras de béluga…
Odeurs de mer, présence de femmes aussi, conviviales, au rire franc et chaud,
partage accompli d'un peuple qui sait donner, dans le calme, le sourire et l'humour. "

En lien avec cette notion de partage, j'ai aussi le souvenir de soirées où des liens de confiance se sont établis et j'étais surprise de la capacité de certaines femmes à venir se confier à moi sur leurs histoires de vie trop souvent douloureuses. Souffrances d'enfant, de jeune fille, de femme… Récits pourtant porteurs, chargés d'espoir pour leur futur et pour leurs enfants. Si je souhaite évoquer ici la question des abus sexuels, c'est parce que des femmes m'ont conté des faits vécus dans leur enfance ou leur adolescence.

Soirée avec une amie sculpteur, le 16 janvier 2003
" Elle veut me parler de sa vie et se livre, avec beaucoup d'émotions.
Elle était juste venue me montrer ses dessins et repart 3 heures plus tard…
Femme forte, qui a vécu successivement des abus sexuels de la part du mari de sa sœur de 6 à 13 ans, puis de la violence conjugale…
Artiste dans l'âme, elle voue un amour sans limite à son père, un homme qui l'a aimé ! "

Un service de protection de la jeunesse a été instauré, depuis quelques années, à l'instigation du gouvernement québécois, pour donner un cadre juridique aux Inuit dans ce domaine. Les intervenants sociaux reçoivent une petite formation. Pendant les entretiens dans les familles, faute d'avoir ressenti le besoin d'un tel système, on invoque Dieu, la Bible et la loi des Blancs pour justifier son intervention auprès de ses pairs. Le voile du tabou est lentement en train de se lever. Des femmes se sont emparées de la question et commencent à en parler, ensemble, pour que cela cesse, pour que celui qui porte son secret comme un fardeau sache que ce n'est pas acceptable.
Le partage, c'est aussi cette force d'être ensemble, comme si l'on se protégeait de tout ce qui nous fait mal, de tout ce qui nous tracasse, et que pour un instant, on prenait juste le temps de savourer d'être ensemble.

Je relie cet esprit communautaire très fort à la géographie du lieu. Même si des Aînés constatent une moins grande solidarité que dans l'ancien temps, on vit ensemble et les moyens pour quitter et rentrer dans la communauté sont peu nombreux : l'avion pendant l'année et la moto-neige en hiver pour rejoindre la communauté la plus proche à l'ouest ou à l'est (environ 200 Km, en 5 ou 6 heures pour un bon conducteur). Alors, il faut partager, se soutenir, éviter les conflits car celui avec qui on aura un désaccord peut être celui qui vous prêtera main forte demain.

Prendre le temps avec l'autre, prendre le temps de se regarder, de manger ensemble, de se donner de la chaleur humaine. Le partage n'est pas un vain mot et il a pris tout son sens lorsque j'étais auprès de ces femmes, car je l'ai redécouvert, dans une gamme nouvelle d'émotions.

  Suite ...

Julie Moutard



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TEMOIGNAGE D'UNE RENCONTRE
:

Préambule Instant présent, rire, humanité
Introduction Conclusion
Regard, tolérance, partage Visiter le site de Julie Moutard

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