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FEMMES INUIT
TEMOIGNAGE D'UNE RENCONTRE

COMMUNAUTE INUIT DU NUNAVIK
DANS L'ARCTIQUE QUEBECOIS
DU 18 SEPTEMBRE 2002 AU 28 FEVRIER 2003

Conclusion

Je voudrais conclure par ce dont je reste persuadée : la force de ces femmes et leur capacité certaines à faire sortir leur peuple d'une impasse provoquée par le choc des cultures. Un soir, à Salluit, alors que je rentrais chez moi, mes pensées filaient dans mon esprit vers ce sujet. Sanaaq, une de mes voisines, me salua et me demanda si je me sentais bien ici. A peine le temps de répondre qu'elle me dit : " Il y a 50 ans à peine, nous étions dans les igloos. Nous avons été projetés dans une modernité qui n'était pas la notre.
Le temps d'adaptation n'est pas révolu. Cela prend du temps pour évoluer… "

Oui, certainement, et à quel prix ? Peut-être au prix d'une jeune génération qui, parfois, se fracasse sur les bords dangereux d'une conduite d'addiction, par la prise de H ou d'alcool. Là encore, je fais état d'un phénomène que je ne pouvais que me résoudre à constater parcimonieusement dans l'environnement où je vivais. Comment définir son identité, quand on est inuk, en 2003, avec la vie devant soi ?
 

Alors peut-être le prix à payer se cache-t-il dans la question de l'appartenance. Revendiquer une culture, revendiquer une langue… c'est pouvoir être à même de la définir… Marry me dit ainsi : " Il y a à peine 10 ans que nous avons conscience qu'il faut parler et enseigner notre culture à nos enfants si nous ne voulons pas la perdre. " Le nœud du problème m'apparaît poindre à l'horizon… Ce nœud constitue le point de ralliement entre la culture de leurs ancêtres et la culture canadienne, très présente dans le quotidien du peuple inuit dans cette région de l'arctique.

Si l'on parle d'évolution, il s'agit de parvenir à se tracer un chemin à la rencontre de ces deux champs d'appartenance… Il faut alors s'affranchir de la peur, cette peur qui se loge dans celui qui voit en l'évolution la perte de ses racines. C'est justement cette peur qui freine le processus d'évolution… ce qui pourrait être porteur d'énergie constitue autant de réticences à enclencher ce processus. Des femmes ont en conscience et ont cette force nécessaire pour faire le chemin.

  Pendant une soirée couture chez Kaujaq, le 3 février 2003
" Discussion avec Paassa (18 ans) qui veut aller étudier à Montréal pour mieux parler français. […] Paassa vit dans une maison à 12, donc elle apprécie la tranquillité
quand elle va à Montréal. Elle veut étudier pour être infirmière
et revenir à Salluit pour soigner sa communauté. Elle dit :
" C'est beau la vie… C'est triste aussi parfois mais c'est beau quand même…
Ca dépend juste de comment on regarde. " "

Le 14 février, j'ai quitté Salluit et ceux qui m'avaient accepté dans leur communauté, dans leur famille, dans leur cœur. J'ai réalisé à la veille de mon départ combien ce partage avait été réciproque. Si je les ai remerciés de m'avoir accueillie, acceptée et intégrée parmi eux, ils m'ont remercié pour ma patience, ma tolérance et mon sourire.
Etonnant pour ma part, car ces trois qualités étaient justement celles que j'avais le plus appréciées chez eux. Un peu comme si nous avions pu dire : parce que c'était vous, parce que c'était moi, et pas un mot de plus.

Kaujaq, l'aînée qui me logeait durant la dernière partie de mon séjour, m'a dit quelques jours avant mon départ, lors d'un repas de famille : " Tu manges comme nous, tu couds comme nous, tu parles comme nous. Oui, tu es comme nous maintenant. " Paroles que j'ai reçues droit au fond de mon cœur et qui m'ont laissé sans voix.

Chaque jour, j'ai fait un pas vers eux, ou plutôt, ils m'ont accepté davantage. Cet échange, avant mon départ de France, je souhaitais qu'il ait lieu dans une rencontre où l'humain trouve une résonance universelle. C'est bien au quotidien que cette rencontre a eu lieu, doucement, sous forme d'éclats de vie, d'instants de partage inoubliables, d'inattendus émouvants. Sans attente, j'ai vécu ce voyage avec le plus d'intensité possible.

J'étais heureuse à Salluit. Au-delà de la tristesse que j'ai ressentie en quittant ces gens, c'est aussi le mode de vie dont il a été difficile de me séparer. Des visites au quotidien, dans la simplicité de la rencontre et de la chaleur humaine, une gestion du temps où tout est possible l'instant d'après, tout cela, je l'ai aimé. Je crois que l'on a au Nord une liberté de pensée amoindrie par l'aspect communautaire, mais l'on possède une liberté d'action sans égale.

A vous toutes, à vous tous, je vous souhaite de vivre avec intensité tous ces moments de partage que nous vivons au fil des jours, avec les amis de toujours, les gens d'une rencontre, les proches infatigables de vous voir partir et revenir et qui vous accueillent toujours les bras ouverts. Car, finalement, l'alchimiste l'avait compris, c'est au retour que l'on sait pourquoi l'on est parti.

J'ai redécouvert l'essentiel, l'humain. Peut-être était-ce ce besoin de revisiter tout cela qui m'avait conduit si haut, mais finalement tout prêt de moi. C'est encore avec beaucoup d'émotions que j'écris cela, car il est une petite partie de moi qui est restée à Salluit, pour ne pas que s'estompe la magie et la beauté de cette rencontre.

Julie Moutard



FEMMES INUIT
TEMOIGNAGE D'UNE RENCONTRE
:

Préambule Instant présent, rire, humanité
Introduction Conclusion
Regard, tolérance, partage Visiter le site de Julie Moutard

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