COUPURE DE PRESSE
L'homme qui défie le froid mortel
Source : La Dépêche du Midi 28/11/2002 |
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V |
irées en Amazonie, au Sahara, au Grand Nord Canadien, au
Pôle nord magnétique... Stéphane Lévin
a roulé sa bosse dans des contrées peu accueillantes.
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Un farniente par rapport à son défi actuel. Un voyage
au bout de la nuit polaire. Pour cinq mois, ce baroudeur sympa s'est
isolé sur I'île Cornwallis, bien au-delà du Groenland.
En hiver, on n'y voit pas le jour, le mercure ne remonte jamais au-dessus
de moins vingt.
Les Inuits ont écarquillé les yeux quand ce gaillard
de 38 ans leur a esquissé son dessein intrépide, pourtant
salué par un prix national de l'aventure. Eux restent sagement
calfeutrés à 150 km au sud, loin de ce blizzard lugubre
et glacial, de ces ours blancs terrifiants. A la porte de l'enfer
le Toulousain n'a que deux cerbères. Deux toutous malamoutes.
Sur la banquise, seul un téléphone satellitaire le relie
à la vie ordinaire pour un appel hebdomadaire les batteries
a iridium souffrent du froid Stéphane a réservé
un de ses premiers contacts à la Dépêche du Midid,
qui a souvent suivi les jalons de sa folie expédition.. La
voix est saccadée mais enjouée. Visiblement, le Toulousain
a le moral. "Ca ne va pas trop mal !. Cela pourrait aller mieux."
Il est venu de Resolute Bay en motoneige. L'avion ne pouvait se poser
sur un tapis trop instable. Stéphane a trouvé refuge
dans une cahute de 10 m², où les chasseurs inuits somnolent
l'été.
Pendant une semaine, avant que les autochtones ne lui ramènent
ses 800kg. de barda puis l'abandonnent jusqu'au printemps. Il a cassé
la glace d'un lac pour pêcher. Impossible aujourd'hui.
L'automne est fini. La glace mesure 1.50m d'épaisseur. |
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DANS UN CONGELATEUR
Sa tente s'est déchirée. Sa petite éolienne a disjoncté,
il les a réparées Sa cabane était aussi hermétique
que des portes de saloon.
" J'ai construit un igloo autour, avec des blocs de 40 cm - Je sens
la différence. "
Façon de parler, il fait - 29° à l'intérieur
l'intérieur . " Le froid est mortel. Je vis dans un congélateur
" sourit le Toulousain.
Son corps s'y acclimate peu à peu. Comme ce sera bientôt
pire, il n'a pas encore enfilé ses vêtements les plus chauds.
Une couche de survie. Des médecins pensent qu'un homme ne peut
tenir à une température si extrême. Les balises Argos
sont explicites, hier matin, celle à I'abri du vent affichait -
41°. L'autre pousse parfois à-70°.
Stéphane souffre de quelques gelures, s'est opéré
lui-même d'un panaris. Il a frémi devant des traces d'ours.
En principe, il est peinard jusqu'en février, Ils hiv hibernent
à cinq cent kilomètres. Mais si l'un d'eux sent un festin
possible, il peut s'approcher. Stéphane compte sur ses chiens,
sur une clôture électrique pour le prévenir. Et sur
sa carabine pour le faire fuir.
Avant que la nuit n'enveloppe Cornwallis, le Toulousain a admiré.
des crépuscules et des pleines lunes superbes. Seul dans les ténèbres,
il trompe l'ennui, à la lueur de quelques bougies . Je consacre
deux heures et demie par jour aux tests scientifiques. Avec la condensation
sur les lunettes ou le matériel, cela prend du temps. Le moindre
geste est très long, comme faire fondre la glace pour les repas.
Je m'occupe des chiens, je fais mes relèves climatiques, des photos
dès que je peux sortir.
Il lit une cargaison de bouquins, commence à rédiger le
sien. Il salive puis savoure les conversations hebdomadaires avec ses
proches, avec Leo, Maryse et Rémi, ses potes de l'association Sciences
aventures extrêmes .
A Noêl, le héros solitaire décachettera les encouragements
chaleureux des collégiens de Montalembert. Son cadeau à
lui. Loin de toute cheminée. En rêvant d'une improbable pizza
aux quatre fromages. Et sûrement du printemps.
Jean-François Lardy-Gaillot |
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