Jean-Baptiste Charcot
Les traîneaux automobiles
de Dion-Bouton
Coupures de presses
(photos hors articles)
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LA
VIE AUTOMOBILE
Les traîneaux automobiles du docteur
Charcot
(1908)
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Nous avons déjà parlé des intéressants
essais effectués au col du Lautaret par M. le docteur Charcot
avec de nouveaux traîneaux automobiles. On sait qu'ils sont
destinés à la prochaine expédition au pôle
sud et seront embarqués le 1 er août prochain à
bord du Pourquoi pas.
Voici quelques détails sur le dispositif de ces ingénieux
appareils.
Pesant 210 kg au total, le traîneau-auto Charcot se compose
de trois parties distinctes. Le châssis (celui d'un traîneau
ordinaire) en frêne, construit sur le modèle norvégien;
le groupe moteur complet placé à l'arrière
est entièrement protégé contre la neige, moteur
23/4 chevaux et changement de vitesse à deux vitesses donnant,
la première, du 4, et la seconde, du 8 à l'heure;
enfin, le propulseur qui, lui, demande de plus sérieuses
explications.
II se compose d'une roue à deux jantes, reliées par
des raquettes montées sur le même moyeu à une
distance de 28 cm l'une de l'autre. Chacune de ces jantes est munie
de grappins, sortes de petites palettes destinées à
mordre la neige et la glace. La roue propulsive est articulée
de manière à suivre exactement les sinuosités
du terrain et un dispositif spécial limite sa descente. Aidé
de quelques soldats alpins et du mécanicien Pélissier,
le traîneau-auto Charcot a fait des essais remarquables, extrêmement
stables; malgré les déclivités de la piste,
il a gravi et descendu successivement plusieurs dos d'âne
en conservant toujours son allure d'environ 8 km.
Cette vitesse est d'ailleurs suffisante, car il faut craindre les
crevasses traîtresses et on doit pouvoir arrêter le
traîneau assez rapidement. La fonction même du traîneau-auto
consiste d'ailleurs dans le transport des vivres, munitions et appareils,
rôle généralement dévolu aux chiens.
On conçoit quel est l'avantage du traîneau-auto, quand
on saura que vingt-deux chiens furent emportés à bord
de la Discovery et que trois ou quatre seulement revinrent, les
autres furent tués ou emportés par la maladie.
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OMNIA
revue pratique de locomotion (23 04 1908) |

Les trois traineaux exposés
dans l'usine |
Le moteur à explosion a été appliqué
à presque tous les modes de locomotion, nous avons la voiture
automobile, l'auto-canot, l'autoballon, l'aéroplane... mais
il semble que bien peu d'inventeurs aient songé à
la traction sur la neige et la glace. Or, la neige recouvre environ
la moitié du sol de la Terre pendant près de six mois
de l'année, elle rend la circulation pénible et quelquefois
même impossible pour les véhicules munis de roues;
les habitants des régions froides recourent alors aux voitures
à patins. Pourquoi ne pas appliquer le moteur de nos automobiles
aux traîneaux ?
Avant de nous rendre compte de la constitution d'un traîneau
automobile et de décrire celui qui doit conduire le Dr Charcot
au pôle Sud, il est nécessaire de rappeler à
nos lecteurs ce qu'est l'expédition qu'il dirige. Sous le
patronage de l'Académie des Sciences et du Ministère
de l'Instruction publique, le Dr Charcot organise une deuxième
expédition au pôle Sud. Il compte atteindre la terre
Alexandre 1er et s'y installer pour l'hivernage. Il y étudiera
les côtes de l'océan Antarctique et il espère
trouver aussi, à partir du point d'atterrissage choisi, un
passage facile vers le pôle. L'expédition Charcot a
deux objectifs :
1° l'exploration scientifique et géographique des côtes
de l'Antarctique (météorologie, magnétisme,
glaciologie, zoologie, géologie, flore, etc. (on doit au
premier voyage de Charcot le relevé de 1.200 kilomètres
de côtes) ;
2° la tentative vers le pôle Sud par raids de traîneaux
automobiles.
Un bateau, le " Pourquoi-pas ? ", en construction à
Saint-Malo, conduira l'expédition en août à
Buenos-Ayres, puis à Uchuaya, dernier port de la Terre de
Feu, et enfin disparaîtra dans l'Antarctique. Charcot cherchera
ensuite à trouver le grand plateau de neige presque uni découvert
par les Anglais (expédition Scott) sur lequel il pourra glisser
avec ses traîneaux. L'avantage du traîneau automobile
est la simplification des ravitaillements qui se bornent à
des approvisionnements d'essence et de vivres pour les hommes; les
distances des centres de ravitaillement placés en échelons
successifs pourront d'ailleurs être très grandes, à
cause de la vitesse et du rayon d'action des traîneaux automobiles.
[ ... ]
Il
résulte donc clairement de tout ceci que l'automobile ordinaire
n'est pas un appareil pour les Sibériens ou les Canadiens.
Sur la neige, les véhicules ne peuvent pas rouler mais glisser;
telle est la première base sur laquelle on doit s'appuyer
pour établir une automobile à neige. Jusqu'ici, il
a été fait peu de chose dans le but d'appliquer les
nouveaux modes de traction aux traîneaux. Puisque la roue
ordinaire ne convient pas, quel organe de propulsion allons-nous
lui substituer ? Les uns ont proposé l'hélice aérienne,
la même que pour les aéroplanes et les dirigeables.
Mais ce système propulseur présente pour le traîneau
deux inconvénients très graves :
1. Le démarrage est impossible avec une hélice aérienne:
il se produit en effet une sorte de calage des patins du traîneau
et il faut un effort considérable pour obtenir la mise en
route. Une fois le véhicule lancé, la force employée
n'a plus besoin d'être aussi grande.
2° L'hélice aérienne produit un formidable courant
d'air qui est tellement désagréable pour les personnes
placées dans le traîneau qu'il serait inutile de chercher
d'autre motif pour abandonner le propulseur aérien.
Quelques inventeurs ont songé à la vis sans fin qui
peut mordre la neige durcie [ ... ]
D'audacieux glisseurs ont déjà dépassé,
avec leurs bobsleighs, la vitesse de 100 kilomètres à
l'heure, en se laissant simplement entraîner par la pesanteur
sur des pentes à 10 p.100. Or le traîneau automobile,
plus maniable encore, permettra de réaliser de telles vitesses
avec une sécurité plus grande.
Le moteur est situé derrière le siège du conducteur
afin de ne pas surcharger les patins avant. Si la légèreté
est évidemment recommandable dans la construction du traîneau,
elle doit être de plus en plus observée dans les divers
organes à mesure qu'on va vers l'avant. Cette règle
a présidé à la répartition des différents
appareils dans le traîneau exécuté pour l'exploration
du Dr Charcot au pôle Sud. On sait que ce traîneau automobile
émut toute la presse quotidienne par les résultats
qu'il donna aux épreuves faites au commencement du mois de
mars au col du Lautaret
[ ... )
L'aspect
même de ce traîneau automobile donne parfaite confiance
aux passagers : avec ses quatre grands patins débordant à
l'avant et à l'arrière, muni de deux propulseurs flexibles
et décentrés intercalés entre eux, établi
sur un châssis robuste quoique léger, bien assis sur
ses ressorts, cet appareil est destiné à conquérir
une place importante dans les sports, dans l'industrie et dans le
commerce.
A ceux qui pourraient douter de la sécurité de sa
marche et qui objecteraient que la neige est tellement instable
et semée d'obstacles qu'elle s'opposera toujours à
une circulation régulière, nous répondrons
ceci: après expériences faites, nous savons que partout
où les traîneaux à chevaux ont passé,
passeront mieux encore les véhicules automobiles à
patins. Ils circuleront à une allure beaucoup plus rapide,
avec une sécurité plus grande, et cependant la dépense
sera faible. Nous tombons ici sur une des supériorités
évidentes de l'automobile à neige et à glace:
elle sera une automobile économique - car elle est l'automobile
sans pneumatiques. De plus, la neige constitue un sol très
doux, amortissant beaucoup les cahots ; sur ce traîneau muni
de bons ressorts, les voyageurs ont l'impression de se trouver à
bord d'un bateau filant en eau calme. Et la roue de propulsion n'est-elle
pas ici une véritable roue élastique ? Pas de chocs
fréquents, pas de trépidations, donc peu d'usure...
Les traîneaux automobiles sont appelés à circuler
dans des pays producteurs de pétrole ou tout au moins voisins
immédiats des gisements pétrolifères : Russie,
Sibérie, Canada Les essences s'y trouvent à bon marché.
Sans doute on ne pourra jamais placer beaucoup de personnes à
bord du même traîneau, puisque nous sommes limités
par la condition de ne jamais atteindre une forte pression par unité
de surface; mais qui nous empêchera d'attacher des "remorques
" sur patins à notre traîneau-automobile et d'organiser
ainsi de véritables trains sur neige ? Nous savons que des
régions russes et sibériennes, dépourvues de
routes, ne connaissent la circulation et la vie commerciale qu'au
moment où l'hiver a blanchi leurs "tracts " de
neige épaisse ou transformé leurs rivières
en routes de glace, splendidement polies. Elles sont les voies qui
servent d'affluents à cette artère unique, le rail
transsibérien, qui assure les échanges entre l'Extrême-Orient
et la Russie ou même l'Europe. Et qu'on ne vienne pas dire
que ces régions immenses ne sont pas peuplées. Pour
ne citer que des villes qui ont plus de cent mille habitants et
qui sont sous la neige pendant cinq mois de l'année, nommons:
Saint-Pétersbourg, Moscou, Perm, Nijni-Novgorod, Tobolsk,
Tomsk, Kristiania, Varsovie, Montréal, Québec. Mais
combien de milliers d'agglomérations existent qui sont tributaires
des routes de neige ?
Aussi nous pensons que le jour où un constructeur apportera
sur les marchés du Nord le traîneau automobile, ce
jour-là nous sera donnée encore une fois la preuve
que les applications du moteur à la locomotion sont loin
d'être épuisées: un débouché considérable
s'offre à la construction automobile. Les exploits réalisés
au Lautaret par le traîneau Charcot-de la Besse sont assez
probants pour émouvoir nos amis les Russes; les propriétaires
terriens, les commerçants, les sportsmen, les rentiers, désireront
tous posséder un aussi merveilleux outil, aujourd'hui pour
leur plaisir, demain pour leur commodité et leurs travaux.
Et puis, même en France il ya de la neige, et vous verrez
bientôt nos sports men parcourir en traîneau automobile
les " tracts " des Alpes et du Jura.
Voici quelques détails sur le dispositif de ces ingénieux
appareils.
Pesant 210 kg au total, le traîneau-auto Charcot se compose
de trois parties distinctes. Le châssis (celui d'un traîneau
ordinaire) en frêne, construit sur le modèle norvégien;
le groupe moteur complet placé à l'arrière
est entièrement protégé contre la neige, moteur
23/4 chevaux et changement de vitesse à deux vitesses donnant,
la première, du 4, et la seconde, du 8 à l'heure;
enfin, le propulseur qui, lui, demande de plus sérieuses
explications.
II se compose d'une roue à deux jantes, reliées par
des raquettes montées sur le même moyeu à une
distance de 28 cm l'une de l'autre. Chacune de ces jantes est munie
de grappins, sortes de petites palettes destinées à
mordre la neige et la glace. La roue propulsive est articulée
de manière à suivre exactement les sinuosités
du terrain et un dispositif spécial limite sa descente. Aidé
de quelques soldats alpins et du mécanicien Pélissier,
le traîneau-auto Charcot a fait des essais remarquables, extrêmement
stables; malgré les déclivités de la piste,
il a gravi et descendu successivement plusieurs dos d'âne
en conservant toujours son allure d'environ 8 km.
Cette vitesse est d'ailleurs suffisante, car il faut craindre les
crevasses traîtresses et on doit pouvoir arrêter le
traîneau assez rapidement. La fonction même du traîneau-auto
consiste d'ailleurs dans le transport des vivres, munitions et appareils,
rôle généralement dévolu aux chiens.
On conçoit quel est l'avantage du traîneau-auto, quand
on saura que vingt-deux chiens furent emportés à bord
de la Discovery et que trois ou quatre seulement revinrent, les
autres furent tués ou emportés par la maladie.
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