SIR ERNEST HENRY SHACKLETON
Première expédition au pôle Sud (1907 - 1909)
Pendant deux années, Shackleton élabore des projets aux
budgets serrés, mais l'argent manque toujours et il est sur le
point d'abandonner quand un prêt de 20.000 livres lui fait reprendre
les préparatifs de son expédition. En 1907, Shackleton est
prêt à diriger l'expédition qui tente d'atteindre
le pôle Sud géographique au départ de la terre Victoria,
située dans le prolongement de la Nouvelle-Zélande. Il se
rend en Norvège pour l'achat de traîneaux, de sacs de couchage
et d'équipements vestimentaires. A cause du coût, il renonce
à acheter le Bjorn, un navire polaire neuf et hautement équipé
et se tourne vers le Nimrod, une vieille baleinière de 40 ans dont
les mâts sont pourris.
Le Nimrod quitte Torquay le 7 août 1907 et jette l'ancre en Nouvelle-Zélande
le 23 novembre. Shackleton, qui a pris un autre navire plus rapide, arrive
en Australie avant, afin d'y recruter son équipe scientifique et
d'aller remercier le gouvernement pour son don de 5.000 livres. Il sélectionne
les 15 hommes de son équipage composé de :
- Jameson Adams, météorologue,
- James Murray, biologiste,
- Dr Eric Marshall, chirurgien,
- Frank Wild, magasinier,
- Professeur Edgeworth David,
- William Roberts, cuisinier,
- George Martson, artiste et homme à tout faire,
- Douglas Mawson, météorologue,
- Ernest Joyce, responsable des animaux,
- Sir Philip Brocklehurst, assistant géologue,
- Raymond Priestley, géologue,
- Bernard Day, électricien et pilote de l'automobile,
- Bertram Armytage ,
- Alistair Mackay, chirurgien
|
 |
Le
1er janvier 1908, le Nimrod quitte Lyttleton sous les acclamations de
la foule. Trop chargé, il prend déjà l'eau une heure
après son départ. Pour économiser le carburant, il
est remorqué par le Koonya pendant 1.500 milles (2.700 km) jusqu'au
15 janvier et le 3 février, il accoste au cap Royds sur la terre
Victoria où les hommes débarquent. Une cabane est montée
qui doit abriter 15 personnes pendant les dix mois qui les séparent
de l'été austral. Près de la cabane, une station
météorologique est construite pour mesurer la température
de l'air, l'évaporation et la vitesse du vent. La promiscuité
et la vie en collectivité imposent une stricte discipline et une
grande activité pour chaque membre de l'expédition. Un ouvrage
de 120 pages, Aurora australis, est même écrit, imprimé,
illustré et relié sur place.
Au cours de cette expédition, en mars 1908, Shackleton réussit
avec cinq hommes l'ascension du mont Erebus sur l'île de Ross.
Douglas Mawson qui accompagne l'expédition mesure le volcan
haut de 3.794 m avec un cratère de 270 m de profondeur pour
800 m de diamètre.
|
|
 |
Une
expédition constituée de David, Mawson et Mackay, dont aucun
n'a encore d'expérience polaire à son actif, quitte la cabane
le 26 septembre 1908, dans le but d'atteindre le pôle sud magnétique.
Tirant 300 kg de traîneau et de vivres chacun, sans l'aide de chiens,
ils doivent ajouter à leur mission l'étude géologique
de la côte de la terre Victoria, des montagnes occidentales et des
vallées sèches. La progression, au départ aidée
par une automobile Arrol-Johnston (voir
notre dossier) qui se met rapidement à chauffer et à
s'enliser dans la poudreuse, se fait uniquement à pied. Aux dangereuses
conditions de progression qu'offrent la glace et les crevasses, s'ajoutent
la fatigue et la faim dont les trois compagnons souffrent, réduisant
leur ration alimentaire au strict minimum vital. Le 15 janvier 1909, les
trois hommes plantent l'Union Jack à l'emplacement du pôle
Sud magnétique et prennent possession de la terre au nom de Sa
Majesté le Roi Edouard VII. Leur but atteint, les explorateurs
rebroussent chemin et le 5 février, ils montent à bord du
Nimrod après avoir parcouru plus de 2.000 km à pied dans
la région la plus froide du monde.
Une
autre expédition de quatre hommes, constituée de Shackleton,
Wild, Marshall et Adams tente d'atteindre le pôle sud géographique.
Equipés de traîneaux tirés par des poneys de Mandchourie
à la place des chiens dont la faiblesse avait paralysé la
tentative de 1902, ils quittent la cabane du cap Royds le 29 octobre 1908,
emportant 91 jours de vivres d'une ration individuelle quotidienne de
960 g de biscuits de froment, de buf en poudre, sucre, fromage ou
chocolat.
Le 26 novembre, après 29 jours de marche, ils dépassent
la limite australe atteinte par Scott en 1902. Cette marche difficile
et périlleuse à travers un paysage fait de crevasses, de
gouffres et d'escarpements ne permet parfois pas de parcourir plus de
500 mètres au titre d'une journée complète d'efforts.
En plus des difficultés physiques à se déplacer,
du froid avoisinant - 40° C, de l'omniprésence du risque de
mort et de la faim, l'échec menace. Il se confirme le 9 janvier
1909, quand après soixante-sept jours de lutte constante contre
les éléments, épuisés et affaiblis par le
manque de nourriture, les compagnons décident de rebrousser chemin
à 88 ° 23 'Sud (soit 180 km du pôle sud).
Après avoir planté le drapeau de l'Union Jack, déposé
un cylindre contenant des timbres et des documents pour attester de leur
record et pris quelques photos, les explorateurs tentent de rejoindre
le Nimrod. Marshall qui souffre de dysenterie reste en arrière
avec Adams. Shackleton continue sa progression avec Wild. Le 29 février,
ils sont récupérés par le navire et le 4 mars, les
quatre explorateurs, sains et saufs, se retrouvent à bord du Nimrod,
après 3.000 km de marche et 128 jours d'un incroyable combat physique
et psychologique. Cette fois encore, le but n'a pas été
atteint, mais le record est battu, puisque jamais aucun homme ne s'est
encore approché de si près de l'un ou l'autre des pôles.
En outre, cette expédition confirme que l'Antarctique est bien
un vaste continent occupé par des montagnes hautes de plus de 3.000
mètres et que sur une plate-forme dominatrice se situe le pôle
Sud.
En juin 1909, Shackleton revient à Londres où son exploit
lui vaut d'être anobli par le roi Edouard VII. Le gouvernement lui
offre 20.000 livres qui ne suffisent pas à couvrir les énormes
dettes contractées par l'explorateur. Il se lance alors dans une
série de conférences, données en Amérique
et en Europe.
Illustrations (sauf timbres, cartes postales et dessins) issues de : Lectures
pour Tous - mai 1909 - N° 8.
|