COUPURE DE PRESSE
UN DRAME AU POLE NORD
Source : Le Petit Journal Illustré - N° 1957 - 24 juin 1928
Au moment où nous mettons sous presse, on n'est pas encore fixé
sur les conditions exactes dans lesquelles le dirigeable Italia s'est
perdu sur la banquise arctique et sur le sort de tous ceux qui le montaient.
Cette incertitude ajoute encore à l'angoisse générale,
et c'est de tout cœur que chacun forme des vœux pour que ne se termine
pas aussi dramatiquement qu'on le craint l'audacieuse tentative du général
Nobile et de ses compagnons.
Construit en Italie et monté par un équipage qui, à
part quelques savants étrangers, est essentiellement italien, le
dirigeable Italia se rendit, par ses propres moyens, vers sa base de départ.
Un incident sans importance l'arrêta quelques jours en Allemagne,
puis il reprit son vol et gagna les pays scandinaves. Après une
mise au point nécessaire pour la dangereuse randonnée qu'il
allait entreprendre, le dirigeable gagna la Baie du Roi, au Nord du Spitzberg.
Un premier vol lui permit de reconnaître la route qu'il allait suivre.
Enfin, le 15 mai dernier, il s'élança en direction de la
terre François-Joseph et du pôle.
Si l'on s'en rapporte aux premiers radiogrammes reçus, celui-ci
fut survolé. Puis, tout à coup, le silence se fit et, pendant
quinze jours, on resta sans nouvelles de l'expédition.
Enfin, grâce aux postes de T.S.F., on commença d'apprendre
ce qui s'était passé. Renseignements fragmentaires et d'ailleurs
contradictoires que les jours prochains permettront seulement de vérifier
!
L'Italia semble avoir fait naufrage lors de son retour, au large des îles
formant l'archipel du Spitzberg, dans la partie la plus avancée
vers le Nord. La catastrophe aurait été causée par
la chute de la nacelle avant, à la suite de la rupture de ses câbles
de suspension. Il n'y a là rien de surprenant. On sait que la condensation
de l'humidité de l'atmosphère, dans les régions arctiques,
forme une couche de glace sur les aérostats. Cette surcharge considérable
sur l'enveloppe et sur les nacelles du dirigeable a dû provoquer
la rupture des câbles. L'enveloppe et la nacelle arrière,
désemparées, sont allées s'abattre vers l'Est, à
plusieurs kilomètres du premier point de chute. La plus grande
partie de l'équipage, dont son commandant, le général
Nobile, est tombée avec la nacelle avant, sans trop de dommages,
paraît-il ; avec eux se trouve le poste radiographique demeuré
indemne.
C'est par ce poste qu'on a pu conserver le contact avec les naufragés.
Ceux-ci, depuis la catastrophe, sont donc divisés en plusieurs
groupes. Trois hommes du groupe Nobile sont partis au devant des secours
organisés aussitôt de divers côtés.
Mais il ne faut pas oublier les difficultés de la tâche.
Les naufragés se trouvent en perdition sur des banquises flottantes
que transportent lentement le vent et le courant. Leur position n'est
jamais fixe. Par ailleurs, les bateaux les plus robustes ne peuvent avancer
sur une mer encombrée de glaces à la dérive.
Enfin, les traîneaux tirés par des chiens ne peuvent franchir
les innombrables canaux qui séparent, l'une de l'autre, les banquises.
Il semble que ce sont des avions qui peuvent le plus aisément ravitailler
les naufragés de l'Italia, ramener vers le Sud les blessés
et les malades et permettre aux derniers rescapés d'attendre le
sauvetage définitif.
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