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COUPURE DE PRESSE

EN AVION AU-DESSUS DU GROENLAND
Source : L'illustration - No 4756 28 avril 1934



   
 
DÉCOUVERTE
D'UNE CHAINE DE MONTAGNES
 

Quelque féconde qu'ait été l'activité des explorateurs durant ces cinquante dernières années, la terre est encore loin d'être complètement connue. De vastes espaces demeurent vierges d'investigations ou se trouvent inexactement représentés sur les cartes. Aussi bien, les expéditions, pour peu qu'elles soient favorisées par la chance, rapportent souvent de très intéressantes découvertes.


Il y a huit ans, un savant géologue russe, M. Serge Obroutchev, n'a-t-il pas révélé l'existence d'une énorme chaîne de montagnes, aussi étendue que le Caucase et aussi élevée que les Pyrénées, dans une région de la Sibérie que l'on croyait occupée par des plaines ?


Lauge Koch
 
L'été passé, un explorateur danois, M. Lauge Koch, que la Société de géographie a reçu récemment, a fait une découverte du même genre non moins importante. En coordonnant ses propres observations en avion avec celle de précédents voyageurs, notamment avec les relèvements exécutés par Lindbergh au cours de sa mémorable exploration aérienne du Groenland, il a constaté qu'une chaîne de montagnes fort élevée s'étend d'un bout à l'autre de cet immense pays parallèlement à sa côte orientale. Plusieurs de ses cimes, voisines du fjord portant le nom de Kangerdlugsuak, aux assonances correspondant à la rudesse du pays, dépassent l'altitude de la Jungfrau.

Le seuil sous-marin existant entre la pointe nord-est du Groenland et le Spitzberg' serait le prolongement de ce relief et le rattacherait aux montagnes de la côte ouest de ce dernier archipel. Les géologues ne manquent pas d'imagination! En tout cas, la chaîne nouvellement repérée paraît être une des plus longues de la terre. Découverte d'un intérêt pratique considérable.
Ainsi que L'Illustration l'a exposé (numéro du 6 janvier 1934), on envisage l'organisation d'une ligne aérienne entre l'Europe et les Etats Unis par l'Islande et le Groenland. Or, en 1931, un des promoteurs de cette route, l'aviateur allemand von Gronau , se heurta à là chaîne en question, dont il ignorait l'existence; son appareil étant lourdement chargé, il n'aurait pu la franchir s'il n'eût aperçu une dépression à travers laquelle il réussit à passer. Les pilotes sont donc, dès maintenant, avertis de l'existence d'un obstacle sérieux sur leur route à travers le Groenland, et, pour leur permettre de le survoler, il est nécessaire d'en connaître la configuration.
Dans quelles conditions ces montagnes ont été découvertes, nous allons maintenant l'expliquer. A l'occasion des contestations territoriales survenues au Groenland entre le Danemark et la Norvège, le gouvernement de Copenhague décida, en 1931, l'envoi d'une expédition considérable dans le nord-est de cette grande île, pour une durée de trois ans, avec le Dr. Lauge Koch comme chef. Elle avait pour objet l'établissement d'une carte de la région s'étendant du Scoresby Sound à Port Danemark, ainsi que l'étude de la faune, de la flore et des terrains de cette contrée. Par cette entreprise scientifique, les Danois voulaient affirmer une fois de plus leur souveraineté sur les territoires dont les Norvégiens leur disputaient la propriété. Afin d'assurer le succès de cette mission, une véritable armada polaire fut constituée. Lauge Koch eut à sa disposition deux solides vapeurs, seize grandes chaloupes à moteur, deux hydravions, un personnel dont l'effectif a varié de 60 à 100 hommes, enfin un peloton de poneys islandais.
 
Ces petits chevaux étaient destinés à transporter les approvisionnements dans les très vastes régions, dépouillées de glace et de neige en été, que renferme cette partie de l'Arctique.
Les travaux des Danois ont été favorisés par un état des glaces véritablement extraordinaire. Alors que longtemps d'épaisses banquises descendant continuellement du bassin polaire vers le sud ont rendu extrêmement difficile l'accès du Groenland oriental, depuis quelques années elles sont devenues clairsemées, si bien que le Scoresby Sound se trouve ouvert au tourisme nautique.



Mme. Lindbergh et son mari, le grand pilote, prenant congé du Dr Rasmussen, debout à l'arrière de la barque, Angmagssalik, en août 1933- Photo de la 7eme expédition de Thulé dirigé par le Dr Knud Rasmussen.
 
A la fin du mois d'août 1933, les glaces étaient si peu abondantes devant ce fjord que les vapeurs qui en sortaient n'avaient pas besoin de manoeuvrer pour les traverser et faisaient route directement vers le large. Ajoutons que, l'été dernier, un des bateaux de Lauge Koch a atteint la plus haute latitude à laquelle un navire soit parvenu le long de cette côte. Selon le commandant danois Speerschneider, spécialisé dans l'étude des mouvements des glaces, les banquises polaires prendraient depuis quelque temps un chemin différent de celui qu'elles suivaient auparavant; actuellement, elles dériveraient vers le détroit de Béring au lieu d'être entraînées vers le Groenland oriental comme précédemment.

D'où la dramatique catastrophe du vapeur russe " Tchéliouskine " au large de la côte de Sibérie, dont nous avons publié la relation. Si les trains de glace polaire sont aujourd'hui peu abondants devant le Groenland oriental, cette région demeure un grand centre de fabrication d'icebergs, c'est-à-dire d'énormes blocs détachés des glaciers.

Ainsi, avant la débâcle printanière de 1933, seulement dans la partie inférieure du Scoresby Sound, on comptait plus d'une centaine de ces glaçons monstrueux prêts à dériver vers le sud, vers l'Atlantique et Terre-Neuve, sous l'impulsion de la dérive des eaux, signale le lieutenant de vaisseau Habert, chef de la mission française qui a hiverné l'an passé sur les bords de ce fjord et dont les travaux constituent la principale contribution apportée par notre pays à la connaissance du Groenland. (L'Illustration du 28 octobre 1933.)

Les campagnes du Dr Lauge Koch ont mis une fois de plus en évidence les facilités incomparables que l'aviation procure aux explorateurs. Grâce à la photographie aérienne, la carte d'un territoire montagneux grand comme le Danemark a été établie dans l'espace de trois courts étés arctiques; d'autre part, le chef de l'expédition a pu exécuter des reconnaissances à grand rayon, fécondes en découvertes Au cours d'un vol à la terre de Peary , l'extrémité septentrionale du Groenland, il a aperçu à l'horizon une grosse tache sombre: panne de nuages ou terre inconnue en direction du Spitzberg! Un nouveau problème se trouve ainsi posé à la curiosité des géographes. C'est également en volant que Lauge Koch a découvert les hautes montagnes signalées au début de cet article et dont la cime méridionale, le mont Forel, fut relevée pour la première fois par des explorateurs suisses. De leur côté, les naturalistes de la mission ont fait d'excellente besogne. Un zoologiste, M. Alwin Pedersen, a réussi, notamment, d'instructives photographies de la faune.
 

Hydravion survolant un fjord du Groenland oriental - On remarque les escarpements abrupts bordant ce goulet et qui lui donnent l'aspect d'une crevasse ouverte dans l'épaisseur de la terre - Copyright by G. Seidenfaden
Dans le nord-est du Groenland, relativement peu visité, ours, boeufs musqués, morses, lièvres polaires sont encore aujourd'hui abondants. Mais pourvu que les glaces polaires reforment bientôt leur épaisse muraille habituelle afin de protéger cet éden arctique contre l'ardeur des chasseurs !

Photo aérienne du Glacier Noir sur la côte de Blosseville, entre le le Cap Daussy et le Cap de Grivel découverts par le vaisseau de Blosseville en 1833.
 
Pendant que Lauge Koch travaillait dans le nord de la côte orientale, une seconde expédition, dirigée par le Dr Knud Rasmussen, enlevé depuis à la science, a accompli une oeuvre importante, fort intéressante au point de vue français. Employant également avec le plus grand succès l'hydravion, son commandant en second, le capitaine Gabel-Jorgensen, a en quelques semaines dressé la carte d'une région étendue et ensuite achevé l'exploration de la côte de Blosseville, commencée l'année précédente. La Société de géographie ayant célébré en grande pompe le centenaire de la découverte de cette portion du Groenland par un marin français, il n'est pas inutile de résumer cet événement. Pendant l'été 1833, le lieutenant de vaisseau de Blosseville, commandant le brick " la Lilloise ", chargé de la protection de nos pêcheurs en Islande, appareilla dans le dessein d'explorer la côte orientale du Groenland, alors complètement inconnue dans le nord-nord-ouest de cette grande ile.
Le 27 juillet, il était arrêté par une banquise à pas moins de 130 kilomètres environ du but; pendant quarante-huit heures ensuite, il croisa le long de cette glace, en relevant sur une longueur de 80 à 100 kilomètres les points les plus saillants de la côte visible à l'horizon, auxquels il donna les noms de quinze marins ou savants français.

Ayant après cela rallié l'Islande, Blosseville repartit au commencement d'août pour le Groenland. Puis, on resta sans aucune nouvelle de lui. " La Lilloise " s'est perdue corps et bien au cours de ce nouveau voyage, aucune épave n'en a même été retrouvée. Le mystère le plus épais enveloppe le sort de ce bâtiment. Si les résultats obtenus par Blosseville sont peu importants, comme la reproduction que nous donnons plus haut de la carte officielle du voyage le montre, l'état-major et l'équipage de " la Lilloise " ne sont pas tombés inutilement. Leur mort mystérieuse a en effet déterminé, en 1835, l'envoi de la grande expédition de la corvette " la Recherche ", qui restera une des plus glorieuses entreprises de la marine et de la science françaises dans le domaine de l'exploration.

Par l'organisation de ces campagnes comme par la publication monumentale de leurs résultats, notre pays a donné un exemple fécond que les autres nations se sont ensuite empressées de suivre.

 

Hydravion explorant les hautes montagnes découvertes par l'expédition Lauge Koch

Baie de l'ïle Ella servant de base d'opération aux hydravions de l'expédition de Lauge Koch ( également utilisée par Lindbergh ).
 
Comme Lauge Koch dans le nord, Rasmussen a rencontré dans le sud un état des glaces très propice. Les observations recueillies par ce savant ainsi que par l'expédition de 1932 d'Ejnar Mikkelsen indiquent une diminution remarquable de la glaciation. Des glaciers repérés dans cette région il y a trente-deux ans sont aujourd'hui entièrement fondus ou considérablement réduits. D'autre part, l'afflux des glaces polaires entre le Groenland et l'Islande a fortement diminué.
Alors qu'il y a un siècle de grosses banquises arrivaient fréquemment .jusque sur la côte nord de cette dernière île , pareil phénomène est devenu rare.
Cette régression des glaciers s'observe dans toutes les chaînes de montagnes, dans l'Antarctique comme dans l'Arctique. Le climat de la terre semble donc éprouver une variation chaude. Cette manifestation deviendra-t-elle permanente ou est-elle simplement épisodique et destinée à s'atténuer ? Cette dernière hypothèse semble le plus vraisemblable.

CHARLES RABOT .
   

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