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COUPURE DE PRESSE

LA DECOUVERTE DES RESTES DE L'EXPEDITION ANDREE
Source : L'Illustration - N° 4567 - 13 septembre 1930

Depuis notre dernier numéro, une série de documents authentiques relatifs à la découverte des restes d'Andrée, enfouis depuis trente-trois ans dans les neiges du Spitzberg, ont été publiés. Ce sont d'abord le rapport officiel du Dr Gunnar Horn, le chef de l'expédition scientifique norvégienne, qui a récolté ces précieux vestiges sur les circonstances de cette trouvaille extraordinaire, puis une interview de ce naturaliste prise par M. Odd Arnesen, de l'Aftenposten d'Oslo, le reporter attitré des évènements polaires ; enfin les communiqués de la commission envoyée à Tromsö par le gouvernement suédois avec mission de constater l'identité des corps rapportés par les Norvégiens. De leur côté, le Journal et l'Illustration ont reçu les photographies reproduites ici dont il est inutile de souligner l'intérêt documentaire considérable.

Ces différentes pièces nous permettent de présenter aujourd'hui à nos lecteurs un résumé des mémorables évènements dont l'île Blanche vient d'être le théâtre, et qui ont éveillé la curiosité émue du monde entier. Au cours de ce récit, nous serons amenés à redire quelques détails déjà signalés dans nos précédents articles. On nous pardonnera ces répétitions nécessaires pour donner un tableau aussi complet que possible de cette exploration si féconde en résultats sensationnels.

Pour l'intelligence du récit, rappelons que le Bratvaag, chasseur de phoques norvégien, commandé par le capitaine Eliasen, avait pris la mer le 26 juillet, à destination de la terre François-Joseph, attiré dans ces parages par l'abondance du gibier. Par suite d'un accord intervenu entre le service norvégien d'exploration du Spitzberg et l'armateur, il avait embarqué une mission de trois naturalistes : le Dr Gunnar Horn, chef d'expédition, géologue, auteur d'un remarquable mémoire tout récent sur la terre François-Joseph, par suite tout à fait qualifié pour diriger une exploration dans cet archipel ; ensuite un zoologue, M. Adolph Sörensen, et un botaniste, M. Olaf Hanssen.

Le 31 juillet, après avoir dépassé Tromsö, le Bratvaag sortait de l'archipel qui enveloppe les côtes de la péninsule scandinave et mettait le cap droit au nord, à travers l'océan Glacial. Deux jours plus tard, il arrivait à l'île de l'Espérance, île solitaire perdue dans l'est du Spitzberg, et, le 4 août, à l'île Abel, de l'archipel du Roi-Charles où les naturalistes débarquaient pendant quelques heures. Généralement, même au commencement d'août, cette région de l'océan Glacial demeure encombrée de banquises et difficilement navigable ; cette année-ci, comme nous l'avons déjà signalé, partout au contraire la mer est libre. Dans ces conditions, le capitaine Eliasen décida de profiter de ces circonstances extraordinairement favorables, et, au lieu de faire route vers la terre François-Joseph, résolut de pousser toujours droit au nord et d'aller explorer les îles éparses dans le large bras de mer séparant l'archipel François-Joseph de la terre du Nord-Est au Spitzberg et dont ordinairement l'accès est interdit par d'épaisses banquises. Dans ces parages peu fréquentés, ours, morses, phoques sont encore nombreux.

Le 5 août, toujours sans avoir rencontré la moindre difficulté, l'expédition atteignait ainsi la Grande-Ile au large de la côte orientale de la terre du Nord-Est et y débarquait. Près d'un dépôt de vivres érigé en 1928 sur cette terre perdue à l'intention de Guilbaud, d'Amundsen et des naufragés de l'Italia, les Norvégiens dressèrent un des petits baraquements qu'ils avaient été chargés de construire dans ces parages écartés pour servir d'abris au cas où des chasseurs seraient emprisonnés par les banquises et condamnés à hiverner dans cette région inhospitalière. Ce travail achevé, le Bratvaag fit route à l'est, vers l'île Blanche, une des terres les plus difficilement accessibles de cette mer dans les circonstances habituelles.

Toujours dans cette direction également, mer complètement libre ; en revanche, une brume épaisse. Quoi qu'il en soit, le navire avance ; bientôt, d'ailleurs, la nuée s'éclaire ; progressivement, puis tout d'un coup, elle se déchire, découvrant un soleil éclatant et, dans une de ces féeries de lumière dont les régions polaires offrent souvent le spectacle, la coupole de glace de l'île Blanche apparaît. Le 5 août, à 23 heures, le Bratvaag mouillait devant la partie sud-ouest de cette terre. Ce promontoire est la seule partie de l'île qui ne soit pas enfouie sous la glace ; représentez-vous une surface de 3 kilomètres de long sur 500 mètres de large, encore partiellement couverte de neige sur les espaces libres relativement étendus ? Quel n'est pas l'étonnement de trouver de pauvres petites fleurs, les mêmes espèces que l'on récolte aux altitudes extrêmes dans les Alpes, pâle sourire de l'été aux confins du pôle. Dans ce monde congelé, ce triste pays constitue une oasis propice à la vie. La relativité ! Au-dessus de ces champs de rochers, de terre détrempée de neige, ne voit-on pas voltiger des centaines et des centaines de pagophiles blanches, la plus jolie mouette de notre hémisphère, des oiseaux entièrement blancs avec bec et pattes noires ? Ces palmipèdes ont ici leur place de ponte et chaque été ils reviennent vivre en colonie sur cette île désolée où ils trouvent l'abondance. Nous verrons plus loin combien ce détail présente d'intérêt au point de vue de la découverte des vestiges de l'expédition Andrée.

" Il y a du bon ", pensa l'équipage du Bratvaag en arrivant à l' Ile Blanche. A peine le bateau ancré, il aperçoit, en effet, un troupeau de morses dans les eaux du mouillage. Bientôt la chasse commence ; elle fut fructueuse, et, dans la matinée du 6 août, les chasseurs avait réussi à ramener sur la plage un de ces énormes mammifères marins et en avaient commencé le dépècement pour embarquer la graisse destinée aux huileries. Un dur et pénible travail, surtout sous le soleil polaire qui vous brûle la peau comme celui des hautes altitudes. Aussi bien " faisait-il soif " et deux matelots s'en furent chercher de l'eau à un ruisseau voisin. Apercevant quelque chose de noir sur une plaque de neige, ils se dirigèrent de ce côté et ne furent pas peu surpris de découvrir dans cet objet sombre un canot et un manche de gaffe portant l'inscription Andrées Polarekspedition 1896. Immédiatement avertis de cette découverte, les naturalistes et le capitaine accoururent, et aussitôt commencèrent les recherches. Deux matelots trouvent le registre d'observations d'Andrée pendant la retraite de l'expédition après la chute du ballon, puis le capitaine découvre le cadavre couvert de ses vêtements ; sur la doublure du veston on déchiffre l'initiale A. Evidemment, la dépouille de l'infortuné aéronaute ! " Une poignante émotion nous étreint, écrit le Dr Horn dans son passionnant rapport publié par le Journal. Il n'y a aucun doute ; nous foulons le rivage qui, il y a trente-trois ans fut témoin de la lutte suprême pour la vie des héroïques explorateurs suédois et, en proie à une profonde tristesse, nous nous acheminons vers leur camp dont les épaves nous disaient clairement le drame effroyable dont ces lieux avaient été le théâtre. "

Les Norvégiens découvrirent ensuite un second corps, partiellement recouvert de pierres sèches, qu'ils ne purent identifier d'abord, mais qui se révéla ensuite être celui de Strindberg, puis, dans le bateau démontable, d'autres ossements, mais ne paraissant pas provenir d'un squelette humain.
Tout l'après-midi du 6 et toute la nuit suivante, naturalistes et matelots travaillèrent à recueillir les épaves de la malheureuse expédition. A cette latitude où, en été, le soleil demeure constamment sur l'horizon, la journée de huit heures est inconnue. Une opération singulièrement délicate que le dégagement de tous ces objets souvent attachés au sol par une épaisse couche de glace ! Que de précautions étaient nécessaires pour ne pas les briser ! Mais les vaillants Norvégiens furent récompensés de leur peine. Parmi les objets rapportés par les hommes du Bratvaag, citons un carnet trouvé dans une poche d'Andrée contenant quelques pages de son propre journal de route, un réchaud encore garni de pétrole, en parfait état de conservation, à telle enseigne que le Dr Horn l'alluma sur place sans aucune difficulté, le canot pliant de l'expédition renfermant une foule d'objets curieux et qui paraît avoir servi de magasin aux naufragés de l'air. Mentionnons encore deux traîneaux, des fusils, des instruments, les débris de la tente. Tout fut transporté à bord, mais au prix d'un long et pénible labeur ; pour amener, sans casser quoi que ce soit, le canot pliant rempli de glace au bord de la mer, distante de 125 mètres, les efforts de dix hommes furent nécessaires.

Avant de lever l'ancre, les Norvégiens dressèrent un mât de pavillon sur le monticule dominant la plaine neigeuse, témoin du drame final de l'expédition Andrée, pour signaler aux navigateurs futurs l'emplacement de ce site désormais historique. Au pied de ce mât, ils construisirent ensuite une pyramide en pierres sèches dans laquelle fut placée une bouteille contenant un document indiquant qu'en cet endroit furent découvertes les épaves de l'expédition aéronautique suédoise de 1897.

Cette découverte est due à des circonstances climatiques exceptionnelles. Dans cette partie du domaine polaire, l'hiver 1929-1930 ayant été remarquablement doux et l'été suivant très chaud - le thermomètre s'est élevé, dit-on, jusqu'à 15° au-dessus de zéro, à la terre François-Joseph, température extravagante à une aussi haute latitude - les neiges ont subi une fusion extraordinairement abondante. Des plaques habituellement permanentes ont disparu très tôt, tandis que celles qui résistaient à la fonte diminuaient de jour en jour ; par suite, des objets enfouis depuis des années sous ces nappes ont apparu au jour pour la première fois. Ainsi s'explique que l'expédition Nathorst, envoyée par la Suède à la recherche d'Andrée un an après son départ et qui débarqua à l'île Blanche exactement au même point que les Norvégiens, en 1930, n'ait rien trouvé. Il y a trente-deux ans, quoique l'été fût relativement chaud, ces explorateurs ne virent qu'une couche de neige sur le terrain où nous savons aujourd'hui que se déroula l'agonie des malheureux aéronautes. A cet égard, une photographie contenue dans le récit de Nathorst représentant le même site que l'image du camp d'Andrée reproduite deux pages plus haut constitue un témoignage irrécusable. Dix-huit jours avant l'arrivée du Bratvaag, un autre chasseur norvégien foula, lui aussi, sans s'en douter également, la neige recouvrant la dépouille d'Andrée. Il ramassa à sa surface plusieurs vieilles boîtes de conserves ainsi qu'un piquet en bois noirci par le temps, mais, préoccupé de rechercher les épaves du ballon de Nobile tombé, croit-on, dans cette région, il ne prêta pas attention à ces débris évidemment trop anciens pour provenir des Italiens. Et il se rembarqua sans songer à Andrée. Ce brave marin passa ainsi à côté de la fortune sans soupçonner sa présence.

Revenus à bord avec leurs funèbres charges, les hommes du Bratvaag déposèrent les squelettes d'Andrée et de son compagnon, ainsi que les ossements trouvés dans le canot pliant dans trois caisses qui furent arrimées sur la plage arrière. Afin d'assurer la conservation des corps, les primitifs cercueils furent recouverts de prélarts sur lesquels on entretint une couche de glace. Ces dispositions prises, l'équipage retourna à terre élever, comme sur la Grande-Ile, une cabane-refuge pour les naufragés avec des matériaux apportés de Norvège. Cela fait, l'expédition fit route vers l'est pour continuer une campagne de chasse. Quelques heures plus tard, elle arrivait à l'île Victoria, où elle communiquait la nouvelle de sa découverte à un autre chasseur, le Terning. C'est, ainsi que nous l'avons déjà raconté, par ce dernier bateau rentré à Tromsö le 22 août que ce grand événement a été connu.

Charles RABOT



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