La Yakoutie est un pays vaste comme six fois la France,
pour seulement 1 million d'habitants.
On peut compter environ 400 000 sakhas, du nom de
la république Sakha, (yakoutes), 15 000 evenks,
10 000 evens et 1000 youkaguirs.
Les sakhas sont des éleveurs de chevaux et
restent fidèles à la tradition des "
sergués " poteaux sculptés, auxquels
ils attachent les chevaux, Les motifs qui les décorent
représentent les désirs de chacun, bovins,
chevaux. Ils sont souvent implantés à
l'entrée du village.
Le jour du solstice d'été, les sakhas
organisent une grande fête en l'honneur du soleil,
autour d'un grand sergué, la cérémonie
commence à trois heures du matin, lorsque le
soleil semble vouloir se coucher et aussitôt
réapparaît à l'horizon, le chamane
blanc ouvre les festivités par des incantations
pour demander que la terre soit fertile, que le soleil
brille, les participants se joignent à lui
pour prier les festivités peuvent commencer,
danse, concours, jeux, et durent 24 heures.
Les sakhas sont d'origine turco-mongole, majoritaires
dans la région jusqu'en 1930.
Les sakhas s'efforcent de préserver leurs
racines culturelles et, en particulier, la langue
iakoute, appartenant à la famille turcophone,
pratiquée par la grande majorité d'entre
eux.
" Ne parle pas khoro- mongol, parle yakoute
" dit un de leurs proverbes.
Les sakhas ont hérité de leurs ancêtres
une certaine forme d'animisme " quand nous cultivons,
il nous faut respecter notre déesse la terre
" Aan alakhtchin ".Notre Dieu " Ar-
Toyen ", le créateur blanc est au centre
de nos croyances.
Il s'agit d'une forme de chamanisme blanc, de spiritualité,
sans incantations ni rituels hypnotiques.
Ils sont issus du brassage des tribus proto- turques,
puis turco-mongols de Genghis Khan, qui, pendant des
siècles, ont affronté les peuples sédentaires
de la masse méridionale et plus spécialement
la Chine.
Les sakhas, poussés vers le nord par les tribus
mongols bouriates, migrèrent vers 1450 en se
mélangeant aux aborigènes toungouses,
les poussant à leur tour vers la périphérie
de l'actuelle Yakoutie, avant l'arrivée des
russes.
Avant l'invasion cosaque, les sakhas avaient l'alphabet
runique, " l'Orkhon ", qui remonte au VIII
ème siècle.
Leur religion était le " Tengrisme ",
le culte au ciel.
Le chef de guerre Tygin a rassemblé près
d'un millier de sakhas pour combattre les cosaques.
Invoquant la filiation historique du peuple sakha
avec l'empire turc médiéval, les relations
culturelles se tissent, notamment des échanges
d'étudiants boursiers du gouvernement turc,
et une création d'une école Sakha -
Turque à Yakoutsk.
Voyage de Février 2004
Retour
en terre Yakoute dernièrement pour aller au
devant de la communauté " Nutendly ",
dans la région de " Niznekolynskoe "
au nord de Chersky, 3000 km au nord est de Yakoutsk,
à la frontière avec le Tchoukotka.
Après deux heures de micro bus genre 4x4
et une demi heure de scooter de neige, j'arrivai à
l'école de la toundra " Nutendly ",
bâtie par les parents de la communauté,
désireux d'avenir plus proche des traditions
et de la langue tchouktche pour leurs enfants.
L'école est construite sur les rives de la
rivière Kolyma, facilitant les transports par
bateau l'été, par scooter l'hiver.
Depuis 1999 les parents ont commencé la construction
de cette école qui comporte un bâtiment
composé d'une classe, cuisine, dortoir, salle
de jeux et salle de bains.
Les parents se relaient à tour de rôle
auprès des 11 enfants scolarisés, 6
au jardin d'enfants et 5 en première année
de primaire, en équipe, ainsi 6 personnes dont
trois professeurs, se chargent de l'éducation,
des repas, pendant que les autres parents restent
au campement à trois heures de scooter ;
Ainsi
les enfants peuvent voir leurs parents, contrairement
aux autres enfants des éleveurs de rennes,
internes dans les écoles des villes les plus
proches et séparés de leurs parents
pendant une année scolaire, très difficile
pour chacun.
La communauté " Nutendly dirigée
par Slava Kemlil est composée de 25 personnes
adultes, dont 8 femmes, et 32 enfants vivent dans
les campements.
Galina Kemlil est directrice de l'école ; un
autre bâtiment sert de logement à un
couple de personnes âgées, ce qui fait
en fait, que les enfants ont des " grands parents
", et donne l'illusion d'une vraie famille, les
enfants sont très gais et ont toute l'affection
des adultes.
La toundra est la cour de récréation
et les enfants ont creusé un énorme
trou dans la glace pour s'y cacher
des enfants
heureux, qui ont pour paysage cette grande immensité
blanche, et ne font guère cas du froid persistant,
et se jouent des intempéries et de l'obscurité
quelque peu longue pendant la période hivernale.
A travers cet insaisissable paysage se profile une
vie nouvelle prometteuse de sauvegarde des traditions
et de la langue tchouktche.
Moi, née ailleurs, je fus émue par la
grande richesse intérieure de cette communauté
et cette volonté farouche de continuer à
exister au travers des enfants, me prouvant que notre
société de consommation n'est que bien
dérisoire en face de leurs vérités.
Et je n'oublierai jamais les paroles d'Albina, femme
du campement, en parlant de son fils de quatre ans,
" c'est une bonne expérience de vie, et
il sera à jamais imprégné de
ces racines "
Nous avons pris la décision de donner un coup
de main pour la continuité de cette école
et pour que Slava, Galina et les autres puissent continuer
à trouver l'énergie nécessaire
pour leurs enfants et ceci grâce au père
de Slava qui lui a enseigné une vie dans les
pures traditions des hommes de la toundra.
Francine Aubry
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