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Accueil -> Rubriques -> Philatélie -> Notice philatélique : Une pierre, un sans grade, un timbre

PELLEFOUNIER, Emile Mazarin, de Noyarey…
Au nom de la France.

     Parmi la centaine d'inscriptions gravées dans la pierre et qui forment aux îles St-Paul et Amsterdam un ensemble unique dans le territoire, celle que l'inventaire patrimonial du territoire a enregistré sous le n° 4186 est originale, non seulement par sa taille mais encore par son contenu textuel.
     Sur la rive nord du lac du cratère de Saint-Paul, à proximité immédiate de l'actuelle abri des TAAF, se dresse un imposant rocher dont la base, au contact de la mer, est gravée d'une échelle de marée datée de 1791. Près de deux mètres plus haut, côté terre, ce même rocher présente une surface plane quasi verticale définissant un panneau de 155 x 75 cm qui porte l'inscription ici représentée.

  PELLEFOURNIER
ÉMILE
MAZARIN
DE NOYAREZ./GRENOBLE /
CANTON DE SASSENAGE.
DÉPARTEMENT DE L'ISÉRE.
18{44} 1844 . (Les deux 4 de ce premier nombre sont inversés).

     Les lettres, bien incisées et d'une profondeur égale de 0,4 à 0,6 cm. en sont régulières et d'une hauteur de 9 cm, à l'exception de celles de " GRENOBLE " d'une taille légèrement moindre. L'inscription se développe selon une direction N/S.
     Le contenu textuel lui même est bien différent de celui des autres inscriptions rencontrées sur les deux îles. Celles-là, en effet, se rattachent à 2 types majeurs, soit qu'elles se résument à un simple nom de personne le plus souvent suivi ou précédé d'une date, soit qu'elles racontent une histoire, presque toujours celle d'un naufrage dont, à l'évidence, les survivants souhaitaient faire mémoire et laisser trace.
     Certes, par sa longueur et sa nécessaire concision lapidaire, le texte de Pellefournier s'apparente à ceux des naufragés; mais par le contenu, il en diffère radicalement. En effet, alors que les textes des naufragés dans leur quasi totalité, mettent en exergue le nom du bateau et la date du naufrage, - souvent aussi le nom du capitaine-, Pellefournier se présente sous son seul nom et se réfère à des repères terriens plutôt que marins… Pas de message à communiquer, mais le seul témoignage d'un passage dont on ne saurait d'emblée dire les raisons, et d'un séjour, la longueur. Une langueur peut-être, teintée de nostalgie, certainement.

Pierre Gravée de l'île Saint-Paul. Maquette et Graveur : A.Lavergne
Format 48 X 27
Horizontal Feuille de 25 timbre
Emission Janvier 2002

     Au pied du Vercors, "Noyarey, village fleuri en pays dauphinois 3", ne conserve aucune mémoire vivante de son héros. Le patronyme familial même en a disparu, hormis sur une pierre tombale qui porte les noms associés de son épouse et d'un de leurs fils. Puis les archives sont là pour nous dire que, contrairement à ce que consignent plusieurs autres documents dont le registre de conscription, il n'y naquit pas : Emile Jean-Baptiste dit Mazarin, bien que d'une longue lignée de Nucérétains 4, vit le jour à Grenoble, en 1819. Mais c'est bien à Noyarey qu'il se maria en 1852 et qu'il mourut en 1891. Cultivateur peu fortuné, il cosigne le 4 octobre 1840 un acte notarié par lequel, viendrait-il à disparaître, il fait don de ses biens à ses parents qui, quant à eux, à leur décès, lui lèguent le patrimoine familial. Sans doute faut-il voir là une prudente démarche - habituelle à l'époque - avant son départ sous les drapeaux. Pour sept ans, il intègre l'Armée le 22 octobre 1840 sous le n° matricule 1165 du contingent du département de l'Isère 5. Le "jeune soldat de la classe de 1819, d'une taille de 1,69 m., au poil brun, aux yeux roux, au front bombé, au nez aquilin, à la bouche moyenne, au menton rond, et au visage ovale" devient fusilier le 21 juin 1841 puis est affecté au 3ième Grenadier le 23 juillet 1842.
     Il fut démobilisé à Bourbon le 1er janvier 1847 et l'on peut penser qu'il effectua là tout ou partie de "son temps"; toutefois les archives militaires ne nous ont pas permis d'en déterminer la durée à La Réunion même. Mais la présomption est plus que forte pour suggérer que l'Emile Pellefournier du 3ième grenadier et l'auteur du pétroglyphe de St. Paul furent bien un seul et même homme, l'un de ceux du contingent : "quatre soldats et un caporal du 3ième régiment d'infanterie de marine qui furent embarqués sur l'Olympe" [capitaine Dupeyrat] et qui "formèrent un poste à St. Paul et logèrent dans le bâtiment que [MM. Camin et Mieroslawski] s'étaient engagés à construire 6".
     On se souvient que, le 3 juillet 1843, le capitaine Martin Dupeyrat "prit possession au nom de la France 7 de l'île St. Paul et y arbora le pavillon national (…) en présence des hommes de la garnison sous les armes qui lui rendirent les hommages d'usage, et des principaux membres de l'équipage de l'Olympe qui signèrent avec lui". Sur le document officiel de prise de possession, pas plus que sur les autres documents d'archives consultés ne figurent les noms des soldats de la garnison 8.

Suprême revanche d'un petit et d'un sans grade, Emile Pellefournier a laissé son nom dans la pierre. Et c'est le seul vestige matériel - encore qu'indirect - qui subsiste de cette prise de possession de l'île St. Paul.

Jean-François Le Mouël - Archéologue au CNRS - UMR 6569 - Patrimoine historique des TAAF

3 Thelliez, Chanoine C., Au Pays de Dauphiné, Noyarey village fleuri, dépôt légal 2ème trimestre 1961, imprimerie Eymond, Grenoble. 143p.
4 Habitants de Noyarey.
5 Registre des conscriptions, collection du SHAT, Archives départementales de l’Isère, liasse 2R 182 n° 4544.
6 Courrier en date du 2 juin 1843 du contre-amiral Bazoche, alors gouverneur de Bourbon, à M. Camin, négociant à St. Denis cité par Brossard, amiral de, Kerguelen et ses îles, T. II, p. 224, Paris, 1971. Voir aussi Textor de Ravisi, Les îles St-Paul et Amsterdam, Imprimerie Ch. Jamin, p. 46 sq., Saint-Denis de la Réunion 1853 ; et Besson, Maurice, Vieux papiers du temps des îles, Société d'édition géographique, p. 37, Paris 1925.
7 Selon les termes de l'arrêté du 8 juin 1843, article 1er. On sait que cette prise de possession, initiative du gouverneur Bazoche, ne fut jamais ratifiée par le roi Louis-Philippe.
8 Cf. les différents rapports de Dupeyrat in Textor de Ravisi 1853 et in Bourge, Georges, "Bordeaux aux îles Saint-paul et Amsterdam", Extrait de la Revue de Géographie commerciale, Bordeaux 1925.


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