UNE OPERATION DE SAUVETAGE REUSSIE DANS LES MERS AUSTRALES
José
Calisto revient de loin. Grâce à une chaîne
de solidarité coordonnée depuis la Réunion,
ce marin pêcheur, victime d'une attaque cardiaque
au large des Kerguelen, a été médicalisé
deux jours après son accident et hospitalisé
onze jours après. Pris en charge à bord du
"Marion Dufresne" il a été admis
hier au CHD de Bellepierre.
José Calisto n'est pas encore tout à fait
sorti d'affaire, mais il revient de loin. C'est en tout
cas ce qu'il peut se dire dans sa chambre du service cardiologie
de l'hôpital Félix-Guyon. Lorsque n'importe
quel malade pris d'un malaise peut espérer rejoindre
grâce aux pompiers le service d'urgence le plus proche
en moins d'une heure, lui aura mis dix jours. Dix jours
dans une mer en furie où il aura fallu déployer
d'importants moyens pour lui donner les premiers soins et
le rapatrier dans de bonnes conditions à la Réunion.
Récit d'un sauvetage réussi.
Le capitaine appelle Toulouse
En ce dimanche 6 avril, l'Espérance Anyo est tranquillement
en pêche au large des Kerguelen. Si tant est qu'on
peut parler de pêche tranquille dans cette zone où
les conditions de mer sont musclées. Toujours est-il
que ce palangrier de la société de pêche
réunionnaise Pêche Avenir est un habitué
des lieux. Il fait partie de ces "monstres" de
la flotte réunionnaise autorisés à
pêcher dans la zone économique des terres australes
et antarctiques françaises (Taaf).
Ce qui veut dire que l'Espérance Anyo a le droit
d'y traquer la manne tant convoitée : la légine.
Autrement dit, ce poisson pas très beau à
l'allure préhistorique avec une chair grasse et des
gros yeux globuleux, mais qui une fois découpé
en tranches et cuisiné, devient un des mets des plus
appréciés en Asie.
Bref, ce dimanche, José Calisto, le bosco, est sur
le pont à effectuer une de ses tâches quotidiennes
lorsqu'il sent une douleur à la poitrine. Quelque
chose d'inhabituel et d'assez douloureux pour que ce Chilien
de 55 ans en informe le capitaine du bateau. Ce dernier,
en l'absence de médecin, est le seul responsable
sanitaire à bord. Il a reçu une formation
médicale qui lui permet de pratiquer un premier diagnostic.
Inquiet de l'état de son lieutenant, il appelle
via le satellite le centre de consultation médicale
maritime de Toulouse. Cet organisme que tous les marins
connaissent bien est le centre d'assistance médicale
pour la marine marchande française. A l'autre bout
de la terre, un spécialiste en cardiologie confirme
la gravité de la situation : le bosco a fait un malaise
cardiaque aigu. Aussitôt, il prescrit les premiers
soins. Le capitaine pioche les médicaments dans la
pharmacie réglementaire du bateau. Mais il ne s'agit
que d'une première aide d'urgence, l'état
du malade nécessite qu'il soit vu par un médecin.
Le centre opérationnel de sauvetage en mer de la
Réunion (Cosru) est alerté. En étroite
relation avec Toulouse, il préconise au palangrier
de rejoindre au plus vite le premier centre de soin : l'hôpital
des Kerguelen.
Dans la soirée du 7 avril, soit 24 heures après
l'accident du bosco, l'Espérance Anyo pointe en rade
de Port-aux-Français. Mais la base scientifique française
subit un sacré coup de chien. Plus de 50 noeuds de
vent sont enregistrés sur la rade. Bref, impossible
de débarquer le blessé. D'autant qu'il n'y
a pas de port à proprement parler et que le seul
moyen de transport pour rejoindre la base reste le zodiac
ou le chaland à moteur.
Le
"Marion Dufresne" dérouté
Le lendemain, l'état de la mer ne permet toujours
pas de débarquement. Malgré tout, un des deux
médecins de la base réussit à monter
à bord du bateau. Il pratique une série d'examens
au bosco, aussitôt transmis au centre de Toulouse.
Le lendemain matin, 9 avril, le temps se calme enfin : José
Calisto peut être débarqué à
terre. Il rejoint le petit hôpital de Port-aux-Français.
Les médecins à terre confirment la gravité
de l'état du malade. Le Cosru, régulièrement
informé, choisit alors de déclencher une évacuation
sanitaire. Un seul navire sur zone dispose à la fois
de personnels et d'installations médicales adaptées
: le Marion Dufresne . Le navire ravitailleur des Taaf est
alors à 1 500km des Kerguelen. "Nous étions
en train de ravitailler l'île d'Amsterdam", explique
Claude Bachelard, médecin chef du service médical
des Taaf et chef des opérations. "Nous avons
tout laissé tomber. Heureusement, la grosse partie
des déchargements était terminée, car
le prochain ravitaillement de l'île n'est prévu
qu'en septembre."
Après deux jours et demi de mer, le Marion Dufresne
est en vue des Kerguelen. L'hélico de "la Marion"
s'envole chercher José Calisto. A son bord : Valérie
Daumas-Lesort. La jeune femme effectue sa première
rotation comme médecin sur le navire des Taaf. "Tout
a été très vite, en quelques heures
j'ai pu prendre en charge à bord José Calisto."
Jusqu'à son débarquement à la Réunion,
elle ne le quittera plus. "Le problème aigu
était passé mais les risques de récidive
et de complications étaient encore bien présents."
Heureusement, à bord du Marion Dufresne , tout est
prévu pour ce genre de rapatriement. "Nous avons
un véritable petit hôpital. Il faut faire face
à tous les petits problèmes que peuvent avoir
les 150 personnes embarquées : un mal de mer, des
points de suture mais aussi des urgences plus graves. La
salle de consultation peut être transformée
en bloc opératoire."
Pendant les cinq jours que dureront le retour, José
Calisto sera soigné aux petits oignons. Hier midi,
il a été admis au service cardiologie du CHD
de Bellepierre. Soit onze jours après son attaque
cardiaque. Un délai long vu de la terre mais un exploit
vu des quarantièmes rugissants.
Laurent BOUVIER (17 avril 2003)
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