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Ernest Shackleton utilise pour la première fois une automobile en Antarctique



"Les premières tentatives de transport motorisé en Antarctique 1907-1911"


Lors de l'expédition du Discovery en 1901-1903, Shackleton et Scott ont tiré leurs traîneaux contenant leur matériel à dos d'homme à travers la plate-forme de Ross, appelée alors la Grande Barrière (voir notre dossier).
Au cours du raid accompli durant l'été austral de 1902-1903 , Shackleton est frappé par la facilité relative de progression sur cet immense plateau de glace.

En 1907 Shackleton mena sa première expédition sur fonds privés en Antarctique (voir notre dossier).
Il compte parmi ses mécènes et amis, Sir Wiliam Beardmore, nouvellement directeur de la société écossaise de construction automobiles Arrol-Johnson. C'est ainsi qu'il prévoit d'emporter une nouvelle Arrol-Johnston qui est en fait un camion à plateau découvert, destiné au chargement.

Le véhicule dispose d'un moteur 4 cylindres de 12-15 cv, à refroidissement à air, qui est spécialement conçu par Messrs pour remplacer le moteur à refroidissement liquide d'origine. Le véhicule posséde une boite quatre vitesses.
Le moteur utilise une essence normale, par contre une huile spéciale Antarctique résistante au froid extrême est fournie par la Price Company of England.
L'allumage se fait par magneto Simms-Bosch, les batteries étant inopérantes par grand froid, la "manivelle" sera alors utilisée.
 

Les gaz d'échappements d'un des cylindres est destiné à chauffer un compartiment où se trouve enfermé le carburateur. Les gaz des trois autres cylindres s'échappent dans un silencieux qui sert aussi de chauffe-pieds au conducteur. Le pare-brise est d'un genre nouveau en celluloïd.

Le châssis d'origine est renforcé par des pièces métalliques préalablement traités et une grande quantité de pièces de rechanges est emmenée.
Plusieurs séries de roues en bois dentées, sont conçues en espérant que, combinées aux patins démontables placés sous les roues avant, elles puissent permettre de passer sur de la neige molle.

 
 

Shackleton veut utiliser, en complément des poneys de Mandchourie, un engin de remorquage pour tracter assez de matériel et de vivres pour former des dépôts le long de son périple. Il faut aussi joindre à l'expédition un mécanicien capable d'effectuer les réparations. Le mécanicien-motoriste, Bernard Day, est donc inclus à l'équipe.
De 1903 à 1907 Day était ingénieur au sein de la New Arrol-Johnston Motor Car Company, qu'il quitte pour rejoindre l'expédition. Il fait aussi fonction d'électricien et d'homme à tout faire.

Le véhicule est débarqué sur la banquise au cap Royds sur Ross Island fin janvier 1908. Les pneus de série Dunlop sont équipés de chaînes car finalement Shackleton ne compte plus utiliser les trop lourdes roues dentées en bois.

Le moteur est démarré sous la responsabilité de Day, le seul habilité à la conduire.
Shackleton nota dans son journal : "Pour la première fois on entendit le ronronnement du moteur, pourtant déjà si familier dans le monde civilisé" .

Leur joie est de courte durée, 90 mètres plus loin, le véhicule se bloque dans la neige molle. Le terrain est différend de celui rencontré lors de la dernière expéditon de Shackleton.

Après maintes poussées et maints dégagements, le véhicule n'est encore qu'à moins d'un kilomètre du navire et en grand danger de passer au travers la banquise.
Bien que ses espoirs s'amenuisent, Shackleton persévére à inclure le véhicule dans ses projets. Il reconnaît que les pneus utilisés ne sont pas les meilleurs, que le moteur n'est pas assez bien réglé mais que malgré les basses températures le véhicule a bien fonctionné.

Au cours de l'hivernage 1908, Day démonte le moteur pour le réviser. L'automobile est entreposée dans un garage fait de caisses d'emballage diverses prés du batiment principal. La principale préocupation est de réduire le poids du véhicule en le débarassant des équipements inutiles, ne conservant que la carcasse, un seul siege pour le conducteur et un réservoir de 23 gallons de carburant (= 100 litres), un réservoir d'appoint d'alimentation en carburant est ôté.

Les premiers essais reprennent en septembre 1908 après l'hivernage.
Le réservoir de carburant est pressurisé à l'aide d'une petite pompe à main.

Le moteur tourne bien malgré des températures négatives. Pour le démarrer, un bol d'essence est brûlé sous le compartiment du carburateur et le collecteur d'admission.

 

La lubrification normale du vilebrequin ne se fait pas, même avec l'huile Spéciale Antarctique, si bien qu'il faut en remettre tous les 8 km.

De nombreux tests montrent que l'utilisation de pneus normaux Dunlop équipés de chaînes fonctionnent mieux et ne posent pas de problèmes jusqu'à -34°C où là ils perdaient leur élasticité et durcissent.

La voiture fait ses premiers voyages à partir du 19 septembre.

- Le 19 la première mission est d'établir un dépôts à 24 km de la base du cap Royds au sud de la mer de McMurdo. La voiture qui embarque trois membres de l'équipe tire un traîneau de 340 kg et fait son périple en moins de 10 heures. Shackleton estime qu'il aurait fallu six hommes et trois jours pour accomplir cette mission.

- Le 22 septembre un nouveau dépôt est positionné à 13 km au sud de Inaccessible Island.

- Le 25 septembre la voiture est utilisée toujours pour la constitution d'un dépôt, mais cette fois-ci pour l'équipe en charge d'atteindre le pôle Sud magnétique plus au nord. Le dépôt est positionné à 24 km de la base. Cette journée est marquée par plusieurs incidents : le moteur surchauffe et l'équipe doit attendre son refroidissement en pleine tempête et Alistair Mackay se brise le poignet avec la manivelle de la voiture en aidant Day à la démarrer (ceci ne l'empêchera pas de partir avec ses compagnons vers le Pôle Sud magnétique).

- Un autre voyage est effectué le 5 octobre dans le cadre de la préparation de l'expédition vers le P. S. M. , mais il est perturbé par des conditions climatiques déplorables.

Shackleton décide de constituer deux équipes pour atteindre le pôle sud géographique, une équipe ira au pôle vers le sud, la seconde servira de soutien à la première pendant quelques jours, car il sera impossible d'emporter des vivres en quantité suffisante pour les deux équipes.

Shackleton est conscient que le véhicule n'est pas opérationnel sur la neige molle. La voiture est donc utilisée dans la seconde équipe d'accompagnement et part le 29 octobre tractant derrière elle son chargement A plusieurs reprises la voiture refuse d'avancer sur la neige trop molle. L'allure ne dépasse que rarement les 2 à 4 kilomètres heure pour des trajets de 15 à 25 kilomètres par jour.

Malgré cet échec, Shackleton a permis de démontrer que l'utilisation des techniques nouvelles était à prendre en compte dans les expéditions modernes.
Il reste comme souvenir de cette première venue d'une automobile en Antarctique le nom d'un glacier , le Glacier Beardmore, en hommage au directeur de la New Arrol-Johnston Motor Car Company.
La voiture passe par dessus bord lors du retour en Angleterre.

En 1911 Day participe à l'expédition de Scott qui a fait fabriquer des traîneaux motorisés. En 1908 des traîneaux automobiles de fabrication de Dion-Bouton sont testés par J-B. Charcot et Scott en 1908 au col du Lautaret (voir le dossier complet).


Sources :
- Extrait de "The first Attempts at Motor Transport in Antarctica 1907-1911" by J Stephen Dibbern published in "Polar Record" Vol 18 No 114
- To the south pole by car - article du The Automotor Journal - 26/10/1907 et photos de présentation du véhicule avant son arrivée en Antarctique.
- Au coeur de l'Antarctique "expédition du "Nimrod" au pôle sud. Traduction et Adaptation de M. Charles RABOT." Paris HACHETTE 1910


Nous remercions M. Dr Clive W Randall et M. Alistair Hacking qui nous ont permis de retrouver des informations sur le véhicule ainsi que M. Olivier Vandercruyssen pour ses traductions.


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